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consulter les commandants des canonnières étrangères arrivées, avant le « Lynx, » à Tien-Tsin, pour se faire des idées plus précises sur la valeur relative et les chances respectives de succès des forces navales et militaires qui allaient entrer en lutte, s’il ne parvenait pas à empêcher l’ouverture prochaine des hostilités.

Il était visible, d’ailleurs, qu’il cherchait surtout, dans ces consultations, à se procurer des arguments de nature à décourager les aveugles partisans d’une résistance obstinée aux réclamations russes. À ses yeux, résister aurait pour conséquence inévitable d’acculer son pays à une défaite plus humiliante et onéreuse que les concessions nécessaires à un règlement pacifique immédiat du conflit.

Le consul pensait donc que le vice-roi, aux abois, me demanderait également mon avis, à ce sujet, dans l’audience prochaine qui lui avait été demandée pour recevoir ma première visite officielle.


Enfin arriva le jour de cette audience qui piquait vivement ma curiosité.

Un secrétaire nous introduisit dans une vaste salle décorée simplement par un beau portrait en pied du vice-roi, et sans autre mobilier qu’une table entourée de lourds fauteuils en bois d’ébène sculpté et, dans le fond de la pièce, un brasero pour la chauffer.

L’entrée solennelle de notre hôte, à pas comptés, fut impressionnante. Il avait grand air, avec sa haute stature, sa démarche majestueuse dans son ample manteau de fourrures, l’aspect décoratif de sa coiffure officielle de mandarin du plus haut rang couronnant une longue figure osseuse, à barbe grise et clairsemée, au front pensif, aux yeux perçants et bridés entre deux pommettes larges et proéminentes. Il nous fit, avec gravité, les honneurs de son appartement ; mais son attitude, moins compassée, nous mit plus à l’aise, quand, après l’échange des compliments d’usage, la conversation s’engagea sur les sujets qu’il désirait traiter avec nous et qui étaient, en effet, pour lui, d’un haut intérêt.

Dans cette première visite, il se borna à me questionner sur la valeur offensive dès canonnières qu’il avait achetées