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récemment en Angleterre. Leur armement en artillerie se composait d’une grosse pièce « Amstrong, » devant, et de deux petites pièces légères, derrière.

Mais la pièce de chasse, n’étant pas sur pivot central, ne pouvait être pointée que dans la direction de la route du navire, direction qu’il fallait donc changer selon le but à viser. Or, dans la navigation fluviale, à laquelle étaient principalement destinées ces canonnières, cette manœuvre est gênante, et même dangereuse sous le feu de l’ennemi ; car, lorsque le bâtiment est au mouillage il doit, pour l’exécuter, s’embosser sur des ancres, en travers du courant ; et, lorsqu’il est en marche, il est réduit, pour canonner une des rives, à obliquer sa route vers elle, au risque de s’y échouer, si l’embardée est trop grande ou trop prolongée.

Cette critique, qui n’avait pas encore été faite au vice-roi lui causa une visible déception. Elle était d’ailleurs fondée, ainsi qu’il a pu le reconnaître, lui-même, à ses dépens, plus tard, dans le combat de Fou-Tchéou. Les canonnières chinoise furent alors aisément détruites, dans la rivière Min, sous les feux de chasse concentrés de nos navires, parce que leur évitage au jusant, au moment choisi par l’amiral Courbet pour ouvrir les hostilités, les empêcha de se servir de leurs grosses pièces Amstrong.


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A la suite de ce premier entretien, Li-Hong-Tchang me convoqua plusieurs fois à son yamen, avec M. Dillon, et, à chaque nouvelle entrevue, je sentais grandir la confiance avec laquelle il accueillait mes explications, surtout sur les sujets un peu scientifiques et maritimes où son ignorance complète m’obligeait à faire appel, pour l’éclairer et le convaincre, à des artifices de démonstration enfantins.

Bientôt même il fut conduit, par la force des choses, à nous faire d’intéressantes confidences sur les difficultés qu’il rencontrait, à la cour de Pékin et au Tsong-Li-Yamen. Malgré l’appui constant de l’Impératrice régente, il avait à se défendre contre les intrigues de certains vice-rois jaloux de ses nombreux privilèges et d’autres rivaux systématiquement hostiles à sa politique étrangère. Il estimait qu’il y avait lieu de ne pas se départir d’une attitude prudente et pacifique à l’égard de la