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la France, complété par un traité de commerça et de bon voisinage d’un caractère durable.

D’ailleurs le vice-roi trahit lui-même son état d urne à ce sujet, car, après la collation qu’il nous avait offerte dans cette soirée solennelle, il me dit, en se penchant vers moi et me tendant sa coupe de Champagne pour un toast de congratulations réciproques :

— Le ministre d’Angleterre doit arriver après-demain.

— Ah ! répondis-je, comme étonné, et d’où vient-il ?

— De Séoul, où il était allé négocier directement un traité de commerce avec le roi de Corée.

Puis, il ajouta, dans un bruyant éclat de rire :

— Je lui montrerai celui que je viens de signer avec vous !

Cette anecdote bien caractéristique explique pourquoi j’étais certain que Li-Hong-Tchang, dont je connaissais le caractère orgueilleux et vindicatif, ne voudrait retarder à aucun prix au-delà du 13 mai, la signature de notre traité qui donnait le Tonkin à la France et la paix à la Chine sur ses frontières méridionales, dans les conditions avantageuses de part et d’autre qu’il avait déjà acceptées en principe. D’ailleurs je lui avais déclaré formellement que si je n’avais pas sa signature dans ce délai, je romprais définitivement et, sans esprit de retour, toute négociation avec lui, en partant par le paquebot du 14 mai, pour Shanghaï ; n’étant diplomate ni de goût, ni de carrière, ce serait non seulement sans regret, mais avec une nouvelle ardeur belliqueuse, que j’irais reprendre mon poste de combat sur le Volta, comme éclaireur de la division navale de l’amiral Lespès, avec l’espoir d’y prendre une part des plus actives à ses prochaines opérations de guerre contre la Chine.


* * *

Le surlendemain, 13 mai, je réunissais au Consulat de-France dans un déjeuner de gala donné en l’honneur de Li-Hong-Tchang, qui vint, en grande pompe, entouré d’une nombreuse escorte, les notabilités officielles des diverses nationalités présentes à Tien-Tsin : elles apprirent ainsi, à leur grand étonnement, l’heureux résultat, pour la France, des négociations poursuivies jusque-là en secret.

Enfin, dans la soirée, arrivait le paquebot ramenant de Corée le ministre d’Angleterre, dont le visage, jusque-là