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plupart d’entre eux les jugent dangereuses. Les économistes que j’ai entretenus de ce grave problème prétendent que la solidarité internationale, vers laquelle M. Rathenau veut orienter les esprits, est irréalisable : « elle est, m’ont-ils dit, en opposition trop complète avec le régime d’économie capitaliste qui domine notre époque. »


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Ancien ministre des Finances, le chancelier actuel, M. Georges Wirth, un Allemand du Sud, qui s’exprime sur ces questions avec beaucoup de réserve, est de ceux qui espèrent que l’Allemagne parviendra à se démocratiser. La « démocratisation de l’Allemagne, » voilà en effet l’un des problèmes les plus importants de l’avenir, un de ceux auxquels le président Wilson, dont on m’a si souvent parlé (car on chercha toujours à se cramponner à ses quatorze points), attachait le plus d’importance. Ne disait-il pas, lorsqu’il a déterminé l’Amérique à entrer en guerre, qu’il comptait rendre le monde « sûr pour la démocratie ? » — Un socialiste autrichien, M. F. Austerlitz, avait écrit cependant, quelques mois auparavant, dans l’Arbeiterzeitung de Vienne, que la démocratisation de l’Allemagne était une utopie. « La démocratie, disait-il, est un état d’esprit bien plus qu’un ensemble d’institutions ; il peut y avoir dans un pays une foule d’institutions démocratiques, sans qu’on puisse affirmer pour cela qu’il est une démocratie… L’histoire prouve que l’Allemand préfère l’ordre et la discipline à la conscience de soi ; le propre de la politique allemande, c’est l’idée monarchique. » Un autre socialiste, le docteur Edouard Stilgebauer, n’hésitait pas à écrire plus récemment : « La République apparait aujourd’hui aux Allemands comme un régime ridicule ; les Allemands n’ont pas encore répudié cette idée que la démocratie est dangereuse ; c’était le sentiment du vieil empereur Guillaume Ier, pour lequel on conserve beaucoup d’affection ; c’était l’opinion de Bismarck qui disait un jour : le peuple allemand est monarchiste jusqu’aux moelles[1]. » En tout cas, le régime d’apparence républicaine qui s’est imposé au mois de novembre 1918 n’enthousiasme personne ; il n’est pas le corollaire d’un désir sincère de liberté ; il ne peut être

  1. Le Démocrate, 5 mai 1920.