Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des atomes lourds émettre successivement plusieurs atomes du gaz hélium en se simplifiant. Enfin, le grand physicien britannique Rutherford a montré en 1919 qu’en bombardant, dans certaines conditions, au moyen des rayons du radium, les atomes du gaz azote, on peut en arracher des atomes d’hydrogène. Cette expérience, d’une importance qui n’a pas été assez aperçue et qui constitue en somme le premier exemple d’une transmutation réellement accomplie par l’homme, tend, elle aussi, à prouver la validité de l’hypothèse de Prout.

Pourtant, lorsqu’on mesure exactement et qu’on compare les masses atomiques des divers éléments chimiques, on constate qu’elles ne suivent pas exactement la loi de Prout. Par exemple, la masse atomique de l’hydrogène étant 1, celle du chlore est 35,46, ce qui n’est pas un multiple entier de 1. Cependant on remarque que les éléments les plus simples, les plus légers ont des masses atomiques qui ne diffèrent que de très peu de multiples entiers de celle de l’hydrogène. Or on peut calculer que si la formation des atomes complexes à partir de l’hydrogène s’accompagne, — comme il est probable, — de variation d’énergie interne, par suite d’une certaine quantité d’énergie rayonnée dans la combinaison, il s’ensuivra nécessairement (puisque l’énergie perdue est pesante) des variations de la masse du corps résultant qui rendent très bien compte des écarts constatés à la loi de Prout.

Dans notre promenade un peu hâtive, et en zig-zag, à travers la broussaille des faits nouveaux qui étayent et vérifient la mécanique ébauchée par Lorentz, achevée par Einstein, notre démarche a été assez heurtée. C’est que, faute de la terminologie et des formules techniques dont l’appareil, ici, serait pas trop rébarbatif, on doit se contenter de quelques raids hardiment et rapidement poussés dans le secteur à reconnaître. Ils auront suffi, peut-être, pour comprendre quel bouleversement total des bases mêmes de la science, quelle explosion dans ses fondements séculaires a produite la fulgurante synthèse einsteinienne. Vraiment des lumières nouvelles rayonnent maintenant sur ceux qui, lentement, s’efforcent à la rude escalade du savoir, sur ceux qui, ayant sagement renoncé à chercher les « pourquoi, » veulent du moins scruter quelques « comment. »

Peu avant sa mort et prévoyant avec son intuition géniale l’avènement de la nouvelle mécanique, Poincaré conseillait aux