Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qu’ils produisaient avant la guerre[1] voulaient réduire de moitié leur consommation, ils se retrouveraient vite dans une situation économique satisfaisante. — Malheureusement, me répondit M. Havenstein, il est impossible de demander aux Allemands de se plier au genre de vie dont se contentaient leurs pères ou leurs grands-pères il y a cinquante ans ! L’Allemagne a marché trop vite Elle ne peut revenir en arrière. »

En circulant à Berlin (et la même constatation a été faite dans d’autres villes), j’ai eu le sentiment que les besoins ont considérablement grandi. Les magasins sont très bien approvisionnés. On y trouve tout ce qu’on peut désirer. Et les acheteurs ne manquent pas. Les restaurants et les cafés regorgent de clients ; les théâtres et les cinémas sont pleins. Même dans les quartiers populaires, on n’a pas l’impression d’être dans un pays qui « marche à sa ruine. » Il y a sans doute des catégories sociales qui sont durement éprouvées. Les classes moyennes surtout doivent s’imposer des privations ; j’en dirai autant de beaucoup d’ouvriers, car il est prouvé maintenant que l’augmentation des salaires a été moindre que l’augmentation du coût de la vie. Mais cependant nous n’avons pas lieu de nous apitoyer sur la situation de nos ennemis. L’activité économique de l’Allemagne est considérable. Si les petits industriels sont gênés, si quelques-uns font faillite, les grandes industries sont presque toutes prospères. Les informations recueillies par les services économiques de la Haute Commission interalliée, combinées avec les statistiques que j’ai pu me procurer à Berlin[2], permettent de penser qu’elles souffrent moins que nous de la crise industrielle qui se fait sentir partout dans le monde. J’ai relevé de notables progrès du mouvement de « concentration » qui leur a permis de parvenir à une puissance d’action extraordinaire. C’est ainsi que le trust électro-minier créé par Stinnes dispose d’un capital de plus de 2 milliards. Il produit les matières premières telles que le charbon et le fer ; il produit la fonte et l’acier, puis les produits finis, tels que locomotives, automobiles, navires et bateaux. L’un des journaux socialistes de

  1. Ils produisent en réalité davantage.
  2. Je dois remercier à ce sujet M. R. Kuczynski, directeur de l’office de Berlin Schnœneberg. Il a donné aussi des chiffres intéressants dans la brochure qu’il a publiée sous ce titre : Wiedergutmachung und deutsche Wirtschaft. Berlin (Engelmann), Pentecôte 1921.