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de sa naissance, deux membres de cette Académie française, dont il ne fut pas jugé digne de faire partie, avaient traversé l’Atlantique pour se rendre à l’invitation confraternelle d’une jeune Académie américaine, dont il n’était pas question de son temps, et pour cause, alors qu’il n’y avait qu’une poignée de Hollandais et quelques pauvres maisons de bois dans ce coin d’Amérique où s’étend et s’élève aujourd’hui New-York avec ses 8 000 000 d’habitants, ses buildings, et ses sky-scrapers.

Mais assez rêver I... Nouveaux discours qui sont écoutés avec la plus grande attention. Les garçons eux-mêmes se taisent, ou (les plus malins) disparaissent. Les invités, j’allais dire les fidèles, qui se trouvent tourner le dos à la table d’honneur, déplacent leur chaise de façon à voir l’orateur, comme les assistants à l’église, lorsque le prêtre monte en chaire. Un silence respectueux, religieux s’établit. Ce n’est pas comme dans nos banquets, où, pendant un quart d’heure, les garçons empressés ou trop pressés changent les assiettes, passent les petits fours et les friandises, de sorte que les premières paroles, si l’orateur n’a pas une voix perçante ou puissante, se perdent dans un cliquetis d’assiettes et d’argenterie, de mâchoires aussi, car il n’est pas rare qu’un convive plus sensible au froid de l’entremets qu’à la chaleur du discours, mange consciencieusement sa glace framboise-citron ou café-vanille, pendant que coulent des flots d’éloquence. Ici, rien de semblable. C’est que l’Amérique est le pays du toast, du speech, de l’allocution.

Donc, on nous écoute ; je par le le premier ; puis Chevrillon dit des choses excellentes sur la langue et la littérature anglaises et françaises, et l’on entend enfin M. Owen Whister qui est fort applaudi.

Je suis plus à l’aise que ce matin, quand, à déjeuner, Chevrillon m’a traduit cet article de journal si hostile ! Ce soir, je sens autour de nous une atmosphère sympathique, cordiale, loyalement francophile. Mais ce n’est qu’un banquet, et une hirondelle ne fait pas le printemps !


Mardi 25.

Cet après-midi, à trois heures, séance officielle de l’Académie américaine en l’honneur du troisième centenaire de la naissance de Molière. Nous retrouvons là le maréchal Joffre et M. Jusserand. Pauvre maréchal ! il sort d’un grand déjeuner qu’on lui a offert ; on lui offre le même jour une grande séance