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des fatigues d’une période de service militaire pour laquelle, gravement malade, il s’était vu refuser tout sursis, — venait de démontrer la vérité de la théorie électro-magnétique de Clerk Maxwell, et de réaliser ces ondulations électriques, image amplifiée des hypothétiques ondulations lumineuses, devinées par le génie de Malebranche et d’Huygens. Pourtant un doute subsistait. La théorie exigeait que la vitesse de propagation des deux phénomènes fût la même : trois cent mille kilomètres par seconde. Or Hertz avait trouvé que la vitesse des ondes électriques n’était que les deux tiers de la vitesse de la lumière. Les recherches postérieures ont montré qu’il s’était trompé et que les vitesses sont bien égales. Cette erreur que Hertz lui-même qualifia de « fatale » ne fut jamais bien expliquée. Il l’attribua à l’exiguïté des locaux où il avait opéré ; et, de fait, l’expérience, répétée dans une longue galerie, réussit toujours. Sous cette impression, on construisit les laboratoires de la nouvelle Sorbonne, en disposant les pièces successives en enfilade. : Nous étions bien loin des chambres meublées de la rue Saint-Jacques ! On fit mieux : à ces longues lignes horizontales, on jugea bon d’adjoindre une grande ligne verticale, qui fut baptisée du nom d’axe des Z. Le visiteur qui remonte à partir de Notre-Dame les pentes historiques de la montagne Sainte-Geneviève, le long de la rue Saint-Jacques, aperçoit sur sa droite, après avoir dépassé le Collège de France et la rue du cimetière Saint-Benoît, une grande tour, non prévue dans le programme primitif. Elle se prolonge par un puits creusé jusqu’à la nappe d’eau souterraine : on y dispose d’une hauteur de chute de 50 mètres. O vanité des prévisions humaines ! Je ne sache pas que ces longues lignes droites aient été jamais utilisées depuis. C’est que, comme Lippmann aimait à le dire, un physicien qui entreprend une recherche nouvelle doit créer lui-même ses outils de travail. Pas plus dans la science que dans la politique ou dans les affaires, il ne faut prévoir de trop loin. Au lieu de faire bâtir à grands frais de massifs hôpitaux par des architectes fameux, imbus des leçons de l’antiquité, qui gardent comme un flottant mirage le regret nostalgique du temple de Pœstum, peut-être serait-il plus sage de placer nos malades dans des baraques en bois, munies de doubles cloisons, qu’on brûlerait tous les dix ans pour les reconstruire en tenant compte des progrès de l’hygiène.