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pays de langue anglaise, impuissants à sortir des ornières d’une routine bien des fois séculaire, ne s’y sont pas encore ralliés. Plus heureux que les mécaniciens, les électriciens du monde entier sont parvenus à se mettre d’accord sur un système unique de mesures conforme à la nature des choses. Des méthodes ingénieuses permettent de déterminer directement les grandeurs fondamentales en quelque point du globe qu’on se trouve. A l’invention et au perfectionnement de quelques-unes de ces méthodes Lippmann apporta sa contribution. Son travail sur la détermination de l’unité de résistance électrique, dont les expériences ont été exécutées sous sa direction par M. Vuilleumier, est un chef-d’œuvre d’élégance. Une autre méthode non moins originale imaginée par lui est celle qui permet, au moyen des phénomènes de l’induction, de déterminer la constante d’un électrodynamomètre absolu. Un de ses meilleurs élèves, M. Guillet, a su la réaliser avec une extrême habileté.

Deux autres instruments de Lippmann sont classiques dans les laboratoires : l’électromètre absolu sphérique, véritable bijou de précision, et le galvanomètre à mercure, appareil merveilleusement simple, qui, sans fil ni aiguille, mesure l’intensité d’un courant.


Cette succession ininterrompue de découvertes attirait peu à peu sur Lippmann l’attention des physiciens du monde entier. Dès 1886, à peine âgé de quarante ans, il était nommé membre de l’Académie des Sciences ; en 1912, il en devenait le président. La Société Royale de Londres, l’Académie des Lincei à Rome, les principaux corps scientifiques étrangers, l’appelaient successivement à eux.

Particulièrement fructueuse fut sa collaboration à l’œuvre astronomique du Bureau des Longitudes. L’entrée de Lippmann dans ce domaine, en apparence si étranger à ses préoccupations antérieures, mérite d’être contée. Le physicien Cornu, professeur élégant, expérimentateur impeccable, venait de mourir. Il laissait une place vacante au Bureau des Longitudes. Le maître de l’astronomie physique en France, Henri Deslandres, vint proposer sa succession à Lippmann. « Mais, je n’ai jamais fait d’astronomie, se récria celui-ci. — Qu’à cela ne tienne, vous en ferez. » Il se laissa convaincre. Heureuse condescendance ! Il