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contenus. Il y montre notre instruction publique enlizée dans la pédagogie venue de Chine : « c’est la culture naine, c’est-à-dire la science et la doctrine des adultes infligées à des écoliers, et en revanche les adultes examinés, surveillés et corrigés à la façon des jeunes élèves. La culture naine est la caricature de l’enseignement supérieur. Ce système fonctionnait il y a trois cents ans, et aujourd’hui on ne trouve son analogue en aucun point du globe, sauf en France, en Espagne et en Chine. »

Comment ne pas lui donner raison quand on pense au succès scandaleux de ces institutions spéciales au quartier latin où les familles éplorées placent les jeunes cancres qui ont échoué à un premier examen, « fours à bachot, » qui se chargent à forfait, en trois ou six mois, de gaver leurs pensionnaires comme des oies à l’engrais d’un ensemble de formules toutes faites leur permettant d’obtenir, — il n’est que trop vrai, hélas ! — le précieux diplôme sur peau d’âne ?

Il montre ensuite que « le fléau grotesque du mandarinisme » a produit en Chine et en Espagne un total arrêt de développement, « parce que l’idéal de la cuistrerie y a été réalisé purement et simplement. Chez nous le même effet ne s’est produit que partiellement. Fort heureusement nous avons un enseignement supérieur. La Convention a créé des écoles savantes ; puis les Universités sont nées, et la République a favorisé leur développement. C’est là qu’est le remède. Le rôle de l’Université est surtout d’enseigner l’art de la recherche, ce qui veut dire la science, car la science, c’est l’art de la recherche et pas autre chose. Et nous savons que la recherche est indispensable à l’industrie. En même temps, l’Université est faite pour mettre les hommes qui veulent acquérir une culture générale digne de ce nom en contact avec la science de premières main, la seule qui soit attrayante et féconde. »

Il appliqua ces idées autour de lui : l’enseignement du laboratoire doit s’affranchir des formules apprises ; seule la recherche personnelle a une valeur. Il pensait que le rôle du professeur n’est pas de prendre un élève par la main, de le guider pas à pas, de lui faire faire une thèse chapitre par chapitre. Le chercheur doit faire lui-même ses appareils, car jamais il n’en trouve de parfaitement adaptés au problème qu’il se pose. On ne s’instruit vraiment que par les difficultés qu’on surmonte soi-même. Sinon on fait les gestes de la recherche ; on en ignore l’esprit