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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/822

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dans cette mêlée confuse de sentiments qui l’assiègent ? Les interrogés diront-ils oui ou non, un oui ou un non d’où dépend leur sort ? Beaucoup d’entre eux ne voudraient dire ni oui ni non, et souhaiteraient, à la formule du serment qui atteste leur patriotisme, ajouter la restriction qui rassurerait leur foi. Ces restrictions seront interdites, et il faudra bien se résigner à se classer parmi les assermentés ou les insermentés. Dans le premier camp se rangeront un grand nombre de prêtres et beaucoup, croyons-nous, de bonne foi.

En ce moment, c’est le second camp qui nous intéresse, parce qu’il comprend ceux qui ont remporté une grande victoire, et que leur attitude va sauver l’Église de France. Saluons-les, saluons-les avec l’émotion et le respect qu’éveille toujours le spectacle de la beauté morale et du courage, car il s’agit d’hommes qui immolent tout, situation, affections, intérêts, repos, habitudes, à leur conscience. Aucun motif humain ne les anime. Disons plus : à voir la tournure des événements et la violence des passions déchaînées, à entendre les menaces, les prédictions sinistres qui s’élèvent comme un sourd mugissement précurseur de la tempête, les esprits attentifs peuvent pressentir qu’il ne s’agit pas seulement de leur situation,, mais de leur vie, et qu’on peut déjà entrevoir comme conséquence du refus qu’ils vont faire une menace non seulement d’exil, mais de mort. C’est à ce prix qu’ils seront fidèles, qu’ils retiendront ou qu’ils ramèneront le peuple qui les eût suivis dans le schisme, parce qu’il était plus près d’eux que des évêques ; c’est à ce prix qu’ils rachèteront l’Eglise de France, qu’elle restera catholique, qu’ils lui conserveront, à travers le sang et les ruines, dans la crise la plus terrible qu’elle ait traversée, le bien inestimable de l’unité. Il n’y a pas eu de date plus émouvante dans notre histoire religieuse.


II

Ces considérations veulent être appuyées sur des faits, et les faits abondent. Ils redisent les sentiments que ce terrible serment fit éprouver au clergé. Il y eut des prêtres réfractaires qui semblent avoir moins souffert que d’autres, tant leur résolution fut prompte, parfois tranchante et altière. « Je jure, déclare le curé de Vulaines, que je donne mon âme à Dieu,