mon cœur au roi, mon corps à la nation. En fait de serment, j’ose vous assurer, Messieurs, que je suis dans la ferme résolution de n’en pas faire d’autre. » Le district de Baume, dans le Doubs, dénonce avec une indignation particulière le curé d’Auteuil qui, « à la face des autels, en présence des fidèles de sa paroisse, » leur a tenu « le discours le plus incendiaire qui ait peut-être été prononcé ». Et quel est ce discours ? Le curé d’Auteuil a dit à ses paroissiens : « La force va m’arracher de vous ; je serai toujours votre pasteur, malgré elle. La terre ne peut pas m’ôter le troupeau que le ciel m’a confié. Le curé qui me remplacera sera un schismatique, les sacrements seront profanés, et je ne cesserai de gémir sur le sort auquel vont être livrées des ouailles qui me seront toujours chères. »
Chez des prêtres aussi résolus, dont la décision a été immédiate, irrévocable, il n’y avait guère de place pour l’hésitation. Le devoir leur apparaissait très net ; ils s’étaient déterminés d’emblée à le remplir. Il en était d’autres plus fortement tentés, ou du moins plus sensibles aux sacrifices que le refus du serment allait leur imposer. Leurs impressions, leurs luttes nous intéressent comme tout ce qui est humain. Elles se traduisirent parfois par des effets extraordinaires. Dans le diocèse d’Ax, on cite l’exemple d’un curé qu’on avait entendu toute la nuit promener d’horribles anxiétés. Le lendemain, quand il vint à l’église, on le regarda avec stupeur. En quelques heures, ses cheveux avaient blanchi : c’était un vieillard.
Rarement le combat intérieur devait produire une telle angoisse. Mais les éléments de la lutte étaient multiples. Dans la décision à prendre, le cœur posait ses objections à la conscience. Que de liens à rompre, liens de famille, liens de paroisse, bientôt liens de patrie ! Le curé de Baril écrit à la municipalité qu’il ne prête pas le serment, qu’il se retire chez sa mère, dont il est tendrement aimé, parce qu’elle croit qu’il ne peut rester curé dans les conditions exigées par la loi. Les femmes furent généralement hostiles au serment. Ici, c’est la mère, avertie par la délicatesse de sa foi, qui prêche à son fils l’abstention, et l’appelle auprès d’elle. Les hommes sont moins ardents et moins timorés. Dans le même département, le notaire de Sompins écrit à son fils, Aubert, curé de Fromentières : « Nous sommes pleins d’inquiétude sur votre état ; beaucoup de rumeurs sur les serments de curés, surtout dans votre canton...