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l’occasion de discuter les idées d’ailleurs si subtiles et si profondes qu’a développées à ce sujet l’illustre auteur de l’Évolution créatrice. Pour aujourd’hui, — et non sans regret, — je dois me restreindre exclusivement à mon sujet qui est : pourquoi et comment la théorie de la relativité conduit à considérer sous un angle nouveau la question de la rotation de la terre.

Avant de le rechercher, le souci de la justice non moins que celui de la clarté m’oblige à rappeler les grands précurseurs qui, pareils à des flambeaux d’avant-garde, ont précédé Einstein dans cette voie nouvelle.

Je veux parler surtout de Mach et d’Henri Poincaré. De l’aveu d’Einstein, les travaux de Mach sont ceux qui ont eu de beaucoup l’influence prépondérante sur la marche de son esprit. Mach, rappelons-le, était un physicien viennois, mort récemment, célèbre non seulement par son traité de mécanique si original et si profond, mais aussi par mainte découverte expérimentale, et notamment par celle de l’« onde de choc, » de ce singulier sillage acoustique qui accompagne les projectiles et qui complique, comme je l’ai déjà expliqué ici même, le repérage des canons par le son.

Le problème de la rotation terrestre et celui de la rotation en général ont longuement préoccupé Mach et sollicité ses méditations. C’est que, — et Newton l’avait nettement aperçu dès l’origine, — s’il est prouvé que la terre ou un corps quelconque tourne réellement, il est prouvé du même coup que l’espace absolu existe et même est sensible.

Voici d’ailleurs comment s’exprime Newton à ce sujet :

« Les effets par lesquels on peut distinguer le mouvement absolu du mouvement relatif sont les forces qu’ont les corps qui tournent pour s’éloigner de l’axe de leur mouvement, car dans le mouvement circulaire purement relatif ces forces sont nulles, et dans un mouvement circulaire vrai et absolu elles sont plus ou moins grandes suivant la quantité de mouvement.

« Si l’on fait tourner en rond un vase suspendu à une corde jusqu’à ce que la corde, à force d’être torse, devienne en quelque sorte inflexible ; si l’on met ensuite de l’eau dans ce vase et qu’après avoir laissé prendre à l’eau et au vase l’état de repos on donne à la corde la liberté de se détortiller, le vase acquerra par ce moyen un mouvement qui se conservera très longtemps ; au commencement de ce mouvement, la superficie de l’eau contenue