Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— en vertu même des principes newtoniens, — nous ne faisons aucune hypothèse et si nous nous en tenons aux faits, rien qu’aux faits. Que voyons-nous alors ? C’est que nous ne pouvons observer que des mouvements relatifs de corps par rapport à d’autres corps.

Et alors on trouve que les mouvements dans l’univers sont les mêmes, qu’on adopte le système de Ptolémée ou celui de Copernic. « Ces deux conceptions, comme dit Mach, sont également justes  ; la seconde n’est que plus simple et plus pratique. L’univers ne nous est pas donné deux fois, d’abord avec une terre au repos, puis avec une terre animée d’une rotation, mais bien une fois, avec ses mouvements relatifs seuls déterminables. Il est donc impossible de dire comment seraient les choses, si la terre ne tournait pas. Tout ce que nous pouvons faire est d’interpréter de diverses façons le cas qui nous est donné. »

Bref : 1° Newton affirme que, si le ciel étoile tournait autour de la terre immobile, il n’y aurait point sur celle-ci les forces centrifuges qui l’ont renflée à l’équateur ; 2° Mach affirme qu’en ce cas ces forces centrifuges terrestres existeraient pareillement avec des effets identiques. Les deux affirmations sont absolument contradictoires. Malheureusement, l’expérience qui permettrait de décider entre elles est irréalisable. La controverse, ainsi que je l’ai déjà expliqué ailleurs [1], est donc purement métaphysique, c’est-à-dire pratiquement insoluble, c’est-à-dire sans intérêt... pour les physiciens.

Mach remarque aussi que l’expérience du vase rempli d’eau et animé d’un mouvement de rotation nous apprend que la rotation relative de l’eau par rapport au vase (dans l’expérience précédente) n’éveille pas de forces centrifuges apparentes et que celles-ci sont éveillées par le mouvement relatif de l’eau par rapport à la masse de la terre et aux autres corps célestes.

Si la paroi du vase avait été rendue plus épaisse et plus massive jusqu’à avoir plusieurs lieues d’épaisseur et à peser des milliards de tonnes, personne ne peut dire ce qu’aurait donné l’expérience de Newton, et si on n’aurait pas constaté alors une force centrifuge causée par la rotation de l’eau par rapport à ce vase. Tout ce que nous avons le droit d’affirmer, c’est que les forces centrifuges qu’on constate paraissent liées à la rotation

  1. Voir mon petit volume Einstein et l’Univers, derniers chapitres.