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considérée par rapport à l’ensemble des corps de l’univers, par rapport à l’ensemble des masses de l’univers. L’ensemble de ces masses peut, nous l’avons vu, être assimilé pratiquement à une masse unique et invariable à cause des grandes distances des astres.

Par une intuition qu’il n’est pas exagéré de considérer comme géniale, et qui Ct d’ailleurs à l’époque lever les épaules incrédules de bien des tenants de la science classique, Mach a complété en ces termes sa pensée : « Une rotation relativement aux étoiles fixes fait naître dans un corps des forces d’éloignement de l’axe ; si la rotation n’est pas relative aux étoiles fixes, ces forces d’éloignement n’existent pas. »

Cette petite phrase, nous le verrons, contient le germe des idées que, sur ce point essentiel, le génie d’Einstein a fait magnifiquement fructifier.

Il faut d’ailleurs remarquer que la plupart des mouvements que nous observons sur la terre sont d’une durée et d’une amplitude si faibles qu’il est, pour la plupart d’entre eux, tout à fait superflu de tenir compte de la rotation ou de la variation de vitesse progressive de la terre par rapport aux astres. Ces facteurs ne doivent entrer en ligne de compte que pour des projectiles lancés à grande distance, pour des cas analogues à celui du pendule de Foucault (mouvement pendulaire lent et très prolongé). En cherchant à appliquer aux planètes les principes mécaniques découverts par Galilée et ses émules. Newton observa que les planètes semblent conserver leur direction et leur vitesse par rapport aux corps très éloignés, aux étoiles, de la même façon que les objets en mouvement par rapport à la surface terrestre les conservent par rapport à celle-ci. Ainsi Newton lui-même était obligé, en dernière analyse, de repérer les mouvements planétaires par rapport aux étoiles fixes, par rapport à des objets réels. Mach a dit à ce propos : « Affirmer qu’au sujet du mouvement des objets on connaît autre chose que leur allure par rapport aux corps célestes éloignés, allure fournie par l’expérience, est un acte de mauvaise foi scientifique. » Par où l’on voit que, même dans la controverse d’idées des savants, se glissent parfois des expressions énergiques… trop énergiques.

Il convient d’ailleurs de remarquer que les tenants les plus énergiques et les plus brillants de l’espace absolu de Newton éprouvent eux-mêmes le besoin de préciser que, finalement, ce