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tel corps est fixe plutôt que tel autre. C’est une question de convention, de point de vue. Il nous est loisible de supposer un observateur placé sur le soleil, comme il nous est loisible de le placer sur la terre[1]. Et puisque la science nous laisse libres de choisir le point de vue, adoptons celui que nous imposent les Écritures saintes ; prenons la terre comme repère fixe. »

On conviendra, si on se reporte aux temps troublés où écrivait Tycho, que le critérium de Ia« commodité » si cher à Poincaré, se tourne ici nettement en faveur de la conception relativiste de Tycho et contre le système « absolutiste » des coperniciens.

Je crois d’ailleurs utile de reproduire ici même l’essentiel des idées si intéressantes qui, selon M. Painlevé, justifient du point de vue épistémologique sa croyance à l’espace et au mouvement absolus, idées qu’il a développées, il y a de longues années déjà et auxquelles il semble encore aujourd’hui entièrement attaché[2].

Dans toute critique, dans tout exposé des principes de la mécanique, dit M. Painlevé, on est conduit presque inévitablement à étudier exclusivement les phénomènes de la mécanique et à justifier les axiomes de celle-ci par des raisons qui n’empruntent rien aux autres phénomènes. Bref, on raisonne comme si les hommes avaient inventé la mécanique en n’ayant jamais perçu, dans l’univers, que des mouvements.

Or, en fait, la mécanique, comme toutes les autres sciences, plonge ses racines dans notre perception intégrale du monde extérieur. L’observation individuelle et l’observation atavique ont révélé tout d’abord aux hommes une certaine séquence dans les phénomènes. Le principe de causalité leur est apparu d’abord sous la forme qualitative, c’est-à-dire qu’ils ont remarqué que des conditions phénoménales identiques produisaient des conséquences également identiques. Puis beaucoup plus tard, après les premières mensurations de longueur et de temps, les hommes ont découvert ce principe sous sa forme quantitative, c’est-à-dire qu’ils ont vu que la séquence des phénomènes, leur déterminisme physique (par exemple le fait

  1. M. Painlevé s’étonne que Descartes ait donné sur ce point raison à Tycho-Brahé contre Copernic et Galilée. Le célèbre géomètre me pardonnera de n’être pas de son avis et de penser, pour ma modeste part, que c’est une raison de plus d’admirer la sage et profonde intelligence de Descartes.
  2. Les axiomes de la mécanique, passim.