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Voici comment s’exprime Einstein dans un de ses mémoires sur les bases de la théorie de la relativité généralisée :

« Deux corps fluides de même grandeur et de même nature flottent librement dans l’espace, à une distance si grande l’un de l’autre (et si loin de toutes les autres masses), que seules doivent être considérées les forces de gravitation qui font agir les unes sur les autres les particules d’un de ces corps. Supposons invariable la distance des deux corps, et que les diverses particules d’un des corps n’ont aucun mouvement relatif les unes par rapport aux autres. Mais chacune des deux masses (vue par un observateur placé sur l’autre) tourne autour de la ligne qui les joint avec une vitesse angulaire constante. Cela constitue un mouvement de rotation relatif et observable des deux masses l’une par rapport à l’autre [1]. Supposons maintenant que nous mesurions avec des règles les surfaces des deux corps considérés. Nous trouvons que l’une des surfaces est une sphère et que l’autre est un ellipsoïde de révolution

« Nous demandons alors : Pour quelle raison ces deux corps se comportent-ils différemment ?... La seule réponse satisfaisante est celle-ci : Il n’y a dans le système isolé constitué par chacun de nos deux corps aucune raison pour qu’ils se comportent différemment et pour que l’un soit sphérique et l’autre ellipsoïdal. La cause de la différence doit donc leur être extérieure. On arrive ainsi à cette idée que les lois mécaniques générales qui déterminent en particulier les formes des deux corps considérés doivent être d’une nature telle que le comportement mécanique de ces deux corps doit dépendre essentiellement de l’action des masses éloignées que nous avions d’abord négligée dans nos calculs. Ces masses éloignées (et leurs mouvements relatifs par rapport aux corps considérés) doivent donc être considérés comme les supports, comme l’origine des causes efficientes qui modèlent et différencient les formes de ces deux corps. »

On voit qu’Einstein arrive à la conception même que Mach avait déjà esquissée avec une intuition profonde, pour expliquer les phénomènes dus à la rotation, à savoir que ces phénomènes

  1. En somme, dans cet exemple pris par Einstein, les deux masses considérées tournent comme feraient deux roues tournant avec des vitesses différentes aux extrémités d’un même essieu.