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cette difficulté ne doit exister que pour notre imagination limitée par nos habitudes sensibles, non pour notre raison qui va plus loin et plus haut. Car c’est encore une des erreurs les plus fréquentes des hommes de croire que l’imagination a des ailes plus puissantes que la raison. Pour être persuadé du contraire, il suffit de comparer ce que les anciens les plus poétiques avaient pu rêver au sujet de la voûte étoilée et ce que la science moderne nous y montre...

Voici alors comment notre problème s’est posé à Einstein.

Négligeons, pour l’instant, la répartition un peu irrégulière des étoiles dans notre système stellaire, et supposons-la à peu près homogène. Quelle est la condition pour que cette répartition des étoiles, sous l’influence de la gravitation, demeure stable ? La réponse fournie par le calcul est : pour cela la courbure de l’espace doit être constante et telle que l’espace se ferme sur lui-même à la manière d’une surface sphérique.

Les rayons de lumière des étoiles peuvent faire éternellement, indéfiniment le tour de cet univers illimité et pourtant fini. Si le cosmos est sphérique de la sorte, on peut même penser que les rayons émanés d’une étoile, du soleil par exemple, iront converger au point diamétralement opposé de l’univers, après en avoir fait le tour et après avoir voyagé pendant des millions d’années.

Les conséquences étranges de cette conception grandiose mériteraient d’être développées, mais cela nous écarterait de notre sujet.

J’ai parlé tout à l’heure des millions d’années que la lumière emploie à faire le tour de notre univers incurvé. C’est qu’en partant de la valeur, à peu près connue, de la quantité de matière incluse dans la Voie lactée, on peut calculer facilement la courbure du monde et son rayon. On trouve que ce rayon a une valeur au minimum égale à cent cinquante millions d’années de lumière.

Il faut donc au moins neuf cents millions d’années à la lumière pour faire le tour de l’univers, si celui-ci est limité à la Voie lactée et à ses annexes. Le chiffre est parfaitement compatible avec ceux qu’ont fournis récemment les observations astronomiques pour la dimension du système galactique, et aussi avec ceux, — beaucoup plus grands, — qu’on obtient en assimilant les nébuleuses spirales à des Voies lactées.