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observées. Ceci nous permet de concevoir comment ont pu être résolues des difficultés qui embarrassaient Poincaré lui-même.

Ces « forces d’éloignement, » pour employer l’expression de Mach, ces effets centrifuges qu’une masse éloignée et considérable de matière est supposée produire au centre de la cavité qu’elle entoure, il serait à souhaiter qu’on put un jour les déceler par l’expérimentation. Ce serait le plus beau triomphe qu’on pourrait rêver pour la passionnante conception qui vient d’être exposée.

En somme, pour cela, il faudrait, et il suffirait de reprendre l’expérience du vase tournant rempli d’eau réalisée par Newton et telle que l’a hypothétiquement modifiée Mach. On se souvient de l’expérience du vase, tournant et plein d’eau, de Newton. De ce que l’eau ne s’incurvait sous l’influence de la force centrifuge que lorsque sa rotation par rapport aux objets extérieurs était rapide et du fait qu’elle ne s’incurvait pas au début de l’expérience, alors que la rotation relative de l’eau et du vase était la plus grande, Newton croyait pouvoir conclure que la force centrifuge n’était pas causée par les objets extérieurs, mais par la rotation par rapport à l’espace absolu.

C’était conclure bien hardiment, et nous allons montrer que d’une expérience analogue Newton aurait pu aussi bien conclure, — et avec non moins ni plus de raison, — que sa loi d’attraction universelle était fausse. Si Newton par exemple avait soulevé au-dessus d’un des plateaux d’une balance en équilibre, son vase de l’expérience précédente, il aurait constaté que rien ne bougeait. Or, si la loi d’attraction universelle est vraie, le plateau considéré doit être légèrement attiré par le vase qu’on en approche et le fléau de la balance doit s’incliner. De ce qu’on ne constate rien de pareil. Newton aurait-il conclu que l’attraction des corps n’existe pas ? S’il l’avait conclu, il aurait été conséquent avec lui-même et avec le raisonnement qu’il a fait à propos des forces centrifuges du vase tournant plein d’eau. Si au contraire il avait conclu qu’on ne peut rien déduire de cette seconde expérience parce que la masse du vase est trop faible par rapport aux autres masses innombrables et colossales qui agissent dans les deux expériences, s’il avait conclu, dis-je, que cette masse du vase est trop faible pour produire un effet observable, — ce qui ne veut pas dire que cet effet n’existe pas, — il eût été dans la logique et dans la raison.