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nouvelles comme ces admirables Contes des mers du Sud [1] et ceux des Fils du Soleil [2]. Enfin, de belles histoires d’animaux, où se joue très librement, très à l’aise, son talent, et par lesquels il aura une place dans le monde, éternellement jeune, des créateurs : ses personnages humains sont peut-être trop encombrés de vie physique et peu conscients de leur vie morale ; mais, en revanche, ses animaux sont des personnes, et il les traite avec la plus compréhensive humanité. Jerry of the Islands ; Michaël, brother of Jerry ; the Call of the Wild, sont de merveilleuses histoires de chiens. A ces trois groupes s’entremêlent des romans et des contes qui tiennent de l’un ou de l’autre.

Tous sont pleins d’aventures, d’épisodes, gens et drames pris dans un monde violent et dominé par l’instinct. Jack London, de tempérament sanguin, avait le goût de la force, et la vie toute brutale qu’il fut forcé de mener lui avait fait apprécier la vigueur comme elle le mérite. Il est « pour le fort, » sommairement. Ce qu’il fait dire à l’héroïne de A Daughter of the Snow, Frona Welse, fille d’un juif allemand qui vend des denrées aux pionniers dans l’une des stations d’approche de l’Alaska, il pourrait le dire de lui-même : « C’était pour elle une joie, un délice, de regarder les mâles forts de son espèce, ayant des corps agréables à l’œil de Dieu et des muscles gonflés, prometteurs de travail et d’action. L’homme, pour elle, c’était avant tout un combattant. Ce n’est pas qu’elle fût insensible aux choses de l’esprit. Mais, là également, elle demandait la vigueur. Rien d’hésitant, rien de tremblant, rien de mineur ! »

C’est un réaliste qui aime l’exactitude. Racontant une mutinerie de marins sur un navire, il se rappelle les récits du vieux Fenimore Cooper, et il dit : « Me souvenant de ses histoires, je m’attendais à telle et telle chose, qui n’arrivèrent pas. Les mutineries de Cooper étaient dramatiques, elles n’étaient pas vraies. » Par là il indique lui-même ce qui le différencie de l’ancêtre des conteurs d’aventures.

Ses modèles, ses maîtres, ne sont pas des Américains, mais évidemment des Européens. Ce sont les grands Britanniques Stevenson, Rudyard Kipling, Joseph Conrad, le Polonais devenu Anglais. Moins grand qu’eux, il est de leur race, il avait un peu de leurs dons, et ce ne serait pas un mince éloge que, le lisant,

  1. South Seas tales, 2 vol.
  2. Sons of the Sun.