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Le mot de la fin est dit par l’autorité allemande qui, voyant se dresser devant elle la protestation du monde civilisé, s’efforce de voiler cette longue série de violences et d’injustices :


La Kommandantur est chargée de vous faire savoir que la Ville et ses représentants responsables doivent s’attendre à la peine la plus rigoureuse, si elle se livre encore à des critiques inconvenantes des ordonnances des autorités allemandes.

De plus, j’attire l’attention sur les graves conséquences auxquelles s’expose l’Administration municipale si elle n’empêche pas que sa protestation contre le nouvel impôt forcé ne soit transportée en fraude vers l’étranger, neutre ou ennemi, et publiée dans la presse de ces pays. Ceci serait considéré comme un acte hostile envers le pouvoir occupant et serait puni avec toute la rigueur des lois de la guerre.

(Lettre au maire de Lille, du 3 décembre 1917.)


Pour montrer l’écrasement financier de la ville de Lille, les chiffres ont leur éloquence. Le total des contributions de guerre et amendes qu’elle a supportées pendant toute la durée de l’occupation s’est élevé à la somme de 184 357 241 francs. Pour faire face à toutes ces charges et à son ravitaillement, la Ville a émis un montant de 381 417 093 francs en bons communaux dont l’Etat français a dû, lors de l’armistice, assurer le remboursement.

Un dernier trait complétera ce tableau de Lille sous l’occupation. Les Allemands ne se sont pas contentés d’obtenir de la municipalité les contributions de guerre, grâce à des procédés de menace effective et par la crainte des sanctions. Ils n’ont pas hésité à employer les moyens extrêmes, la violence contre les personnes et l’effraction. C’est ainsi qu’au mois de juillet 1915, devant le refus du Receveur municipal, M. Wellhoff, de verser aux autorités militaires une somme de 375 000 francs pour la confection en Allemagne de 500 000 sacs à terre, que n’avaient pas voulu fabriquer des ouvriers français, la Kommandantur a incarcéré M. Wellhoff, lui a enlevé les clefs donnant accès à la salle des coffres, et a commencé à procéder à l’ouverture de ceux-ci, à l’aide du chalumeau à gaz oxydrique. Alors seulement, après avoir résisté deux jours durant, l’Administration municipale, se rendant compte que l’opération serait terminée en quelques heures, dut se résigner à ouvrir les coffres avec les clefs, afin d’éviter leur détérioration totale et de préserver les locaux d’autres dégâts possibles.