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émouvant, qui montre le poids des charges sous lequel succombe la Ville, les sanctions dont elle est menacée, et la situation dans laquelle elle se trouve, au point de vue du paiement des nouvelles contributions.


A peine venons-nous de vous verser le solde d’un impôt forcé de 24 millions que vous nous réclamez le versement d’une nouvelle somme de 33 millions.

Durant la première année de l’occupation, alors que la Ville était encore en possession d’une grande pai lie de ses ressources, vous lui avez réclamé, sous diverses formes, la somme de 28 millions. Durant la seconde année un total de 30 millions.

Et pendant la troisième, quand la Ville est dans la plus extrême détresse, que son commerce est anéanti, ses magasins fermés et ses industries détruites, vous doublez le tribut et l’élevez à la somme de 60 millions.

De pareilles exigences, sans cesse croissantes, sont aussi exorbitantes qu’injustifiées et contraires à l’esprit et à la lettre de la convention de la Haye, ainsi qu’au commentaire qu’en a fait le grand État-Major allemand lui-même.

Pour finir, vous nous menacez des sanctions les plus rigoureuses en cas de résistance à vos volontés, et notamment d’une amende de plus d’un million par jour de retard.

Dans ces conditions, s’il n’y avait en péril que ma sécurité personnelle et celle de quelques notabilités, je n’hésiterais pas à répondre par un refus formel à des exigences qui m’apparaissent comme un abus de la force et une violation du droit.

Mais il y a en jeu le sort d’une population anémiée par trois années de souffrances, que je ne me sens pas le courage d’exposer à de nouvelles rigueurs.

En conséquence, je viens vous déclarer, au nom du Conseil municipal, dont je suis l’interprète, que la ville de Lille, courbée sous l’oppression, isolée du monde extérieur, ne pouvant en appeler devant aucun tribunal de l’arbitraire auquel elle est soumise, payera la nouvelle contribution aux dates indiquées, mais qu’elle payera le couteau sous la gorge.


La réponse à cette protestation ne tarde pas. La Kommandantur fait savoir qu’à partir du 1er janvier 1918, le groupe de Lille aura à fournir 92 millions de francs, dont 65 millions à la charge de la Ville, toujours, bien entendu, sous la même condition de solidarité avec les autres banques de la région et amende de 10 pour 100 par jour de retard.