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Au surplus, nous sommes trop sévères, trop exigeants et, par la déception, privés de fine clairvoyance, privés de notre plaisir le meilleur, si, parmi les ouvrages des jeunes écrivains, nous ne démêIons nulle nouveauté. Il y en a beaucoup plus que d’abord on n’en découvre et, quelquefois, imprudente.

Les romans que je réunis pour y chercher les signes d’un renouveau sont extrêmement divers. Et très inégaux. Le Castagnol de M. André Lamandé est le divertissement fort aimable, un peu nonchalant, d’un poète. Le Barnabé Tignol de M. René Thévenin, très amusant, n’est aussi qu’une plaisanterie. M. Louwyck, dans Un Homme tendre, essaye, avec talent, son réalisme ; et, dans la Fiancée morte, M. Faure-Biguet, son ingéniosité de psychologue. M. Pierre Mac Orlan, de qui l’on connaît une douzaine de volumes, un peu confus, ne parait pas avoir encore débrouillé toutes ses intentions, très attrayantes. M. Paul Morand, non plus : mais que de belles tentatives ! M. André Thérive est tout à fait un écrivain.

M. André Thérive ne ressemble pas à M. Paul Morand, lequel inventerait un style volontiers, tandis que M. Thérive est bien fidèle à un usage ancien de notre langue. M. Pierre Mac Orlan, M. Faure-Biguet, M. Louwyck, M. Thévenin, M. Lamandé vont chacun de son côté ; l’on ne voit pas qu’ils se groupent le moins du monde, ou par des sentiments, ou des opinions, ou des procédés. Cette diversité est déjà l’un des caractères de la jeune littérature, il me semble. Un philosophe l’appellerait, à cause de cela, individualiste : et ce mot. comme presque tout le vocabulaire des philosophes, prête à ces malentendus qui sont le fonds de la querelle philosophique. Tout simplement, il me paraît qu’il ne se forme point une école, parmi nos jeunes écrivains, ni une équipe telle que furent au siècle dernier le romantisme, par exemple, ou le Parnasse, ou le symbolisme.

Je n’en suis pas du tout fâché. Au bout du compte, les écoles ont peut-être plus d’inconvénients que d’avantages. Elles offrent des commodités à leurs adhérents ; la brigade fait son chemin tout entière. Plus tard, on vérifie que les médiocres et les pires ont passé avec les meilleurs et les grands et que c’est une espèce de fraude qui a risqué de compromettre un admirable mouvement d’idées : rappelez-vous le symbolisme. On vérifie aussi que les doctrines de l’école tombent, ne valaient rien, ont gêné le véritable poète, au moins ne l’ont jamais servi. Les écoles ne sont qu’un procédé de classement, qui facilite la besogne du critique ou de l’historien de la littérature. Si nos jeunes écrivains n’organisent pas de coteries, je les en complimente.