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que suit pas à pas et régulièrement l’analyse des psychologues. Nous appelons le reste absurdité. C’est un mot que je voudrais dégager de ce qu’il a qui impliquerait un blâme. Après cela, mais cela bien entendu, je dirais que nos jeunes romanciers sont ou paraissent enchantés d’absurdité.

L’absurdité, cette absurdité-là est magnifique dans les romans de M. Mac Orlan. La Cavalière Eisa eût déconcerté un psychologue d’autrefois. Elle incarne la révolution russe. Elle a autour d’elle, et n’en souffre pas, des sauvages nommés Falstaff ou Hamlet, qui la trimbalent de l’Est à l’Ouest. El, à côté d’elle, une Théroigne de Méricourt est anodine.

Les héroïnes de M. Paul Morand sont tout de même absurdes : cette dona Remedios, une émeutière, en qui la tendresse et la coquet- terie se mêlent de fureur ; cette Isabelle dégradée, belle et monstrueuse, victime presque charmante d’une époque où « les hommes sont devenus soldats, les femmes sont devenues folles ; » cette douloureuse Anna Valentinovna, ruinée, quasi servante au restaurant Fcodor, dans la grande rue de Péra, et qui a bien de l’audace grâce à une idée qui la protège, l’idée de mourir.

C’est aussi une jeune Russe, l’héroïne de M. Faure-Biguet, délicieusement alarmée de rêveries. Son absurdité la conduit à mourir. M. Faure-Biguet l’a enveloppée d’un suaire délicatement brodé.

La raison n’est plus à la mode. Nous y reviendrons et nous l’aimerons, quand nous l’aurons un peu oubliée. Alors, elle nous semblera singulière et toute neuve, comme à présent l’absurdité.

Ces écrivains, que j’ai tenté de réunir, — mais j’y renonce, avant de les rendre pareils ; car ils ne le sont pas, — ont leurs talents très heureusement séparés.

Le premier chapitre de Barnabé Tignol et sa baleine est bien joli, où, « par un beau soir de juillet enveloppé de poussières roses, » erre dans le silencieux Jardin des plantes, parmi les otaries, les perroquets et les gazelles, ce Barnabé « au nez violet d’avoir souvent eu froid, aux yeux rouges d’avoir parfois mal dormi, aux joues vertes d’avoir toujours eu faim. » Les derniers promeneurs s’en vont : « le soir descend sur le chant des ramiers qui battent de l’aile dans les hautes branches. » La suite se gâte par un abus de la drôlerie compliquée.

Il y a bien de la sensibilité, dans cet Homme tendre de M. Louwyck, et de l’émotion furtive. C’est dommage que l’auteur n’ait pas encore oublié la leçon de nos vieux réalistes et qu’il écrive ; « Cette salle