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pas devenir le prisonnier des unionistes qui constituent l’élément le plus important de sa majorité, il a besoin de s’appuyer sur les travaillistes. Or, le Labour party a toujours eu des affinités germaniques ; n’en eût-il pas d’ailleurs, que la manière étroite dont il comprend ses intérêts le porterait à un accord avec les Allemands. L’un de ses chefs les plus distingués, M. J.-H. Thomas, M. P. , secrétaire général de l’Union des cheminots, qui, lui, a souvent donné des preuves de ses sympathies françaises, parlant le 20 août à Chester, a dit : « Comme nation, nous souffrons aujourd’hui du chômage à cause de la sotte et aveugle politique qui a été adoptée à Versailles. Il faut faire payer l’Allemagne ; mais c’est parce que la France sait qu’il est impossible à l’Allemagne de payer que nous avons une querelle avec elle en ce moment... Nous estimons que l’amitié avec la France est une chose à conserver ; mais nous ne sommes pas disposés à conserver cette amitié au prix d’affamer un peuple. » Voilà les illusions tenaces avec lesquelles, M. Lloyd George est obligé de compter, s’il veut ranger une partie des travaillistes sous sa bannière. Il lui faut aussi ménager ceux des libéraux qui ont suivi sa fortune et que pourrait séduire le ferme bon sens dont lord Grey vient encore, dans un discours récent, de donner d’éclatantes preuves. A M. Asquith et à ses amis le Premier reprochait dernièrement de négliger les intérêts des « payeurs de taxe » qui sont surchargés ; il faut leur faire croire que, si la France payait ses dettes de guerre, ils s’en trouveraient allégés. On oublie d’ajouter que si, l’Allemagne ne payant pas, la France se trouvait acculée à la faillite, l’Angleterre ne s’en trouverait pas mieux !

Voilà quelques-unes des raisons dont le concours explique l’attitude du chef du Gouvernement britannique à la Conférence. En dernier lieu, la ferme résistance de M. Poincaré s’accrocha à la question des mines fiscales et forêts domaniales : pas de moratorium sans la remise de ce gage. Les mines fiscales et les forêts domaniales sont régies par une administration bien constituée dont il suffirait de contrôler la gestion et de saisir les recettes pour tenir un gage dont le rendement pourrait atteindre deux cents millions de marks-or par an, mais dont la saisie aurait surtout l’efficacité d’un précédent et la valeur d’un exemple. Mais M. Lloyd George, revenant de la campagne le 14 au matin, n’en rapportait pas des dispositions plus conciliantes, et les hauts plénipotentiaires ne parvenaient à se mettre d’accord que pour « constater leur désaccord. » M. Lloyd George insistait sur le caractère du différend : ce n’est pas une rupture de l’Entente cordiale, c’est un désaccord sur les méthodes à employer