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pour faire payer l’Allemagne. La presse anglaise, en effet, même celle qui reçoit les directions de Downing Street, ne suit pas sans réserves ni restrictions la politique du Premier ministre. Même des journaux presque officieux, comme le Daily Telegraph, laissent percer des inquiétudes et des regrets. Il s’en faut que l’opinion publique britannique approuve unanimement la politique de M. Lloyd George ; on sent, parmi les Anglais, l’inquiétude, le doute. Est-ce bien là une attitude digne du Gouvernement britannique envers l’allié d’hier ? Est-ce une politique de loyauté ? Est-ce bien même une politique d’intérêts ? M. Poincaré a reçu d’Angleterre un nombre impressionnant de lettres souvent touchantes, toujours sévères pour la politique du Premier ministre. En France, au contraire, la presse et l’opinion se solidarisent avec la politique nationale, ferme et modérée, du Président du Conseil. Les Conseils généraux viennent de lui donner des témoignages significatifs de leur approbation et de leur confiance. Personne ne regrette que la Conférence de Londres n’ait pas, après tant d’autres, fini sur une équivoque ou par de nouvelles concessions. Personne n’aurait compris que M. Poincaré s’inclinât devant les exigences de M. Lloyd George.

Depuis son retour, M. Poincaré a pris plusieurs fois la parole. A Triaucourt, le 20, à l’inauguration d’un monument commémoratif, il a rappelé, avec de terribles précisions, les crimes barbares de ces ennemis qu’on nous accuse aujourd’hui d’opprimer parce que nous prétendons qu’ils doivent et qu’ils peuvent réparer le mal qu’ils ont fait dans la mesure où il est réparable. Les Allemands ont qualifié de provocation l’évocation de ces souvenirs ; eux chez qui les semeurs de haine (c’est le titre d’un bon livre de M. André Fribourg dont M. Poincaré conseillait récemment la lecture) ont toute licence pour jeter à tous les vents leurs calomnies, se plaignent dès que nous rappelons quelques vérités. A Bar-le-Duc, au Conseil général de la Meuse, le 22 août, M. Poincaré a, en exposant sa politique, affirmé que l’heure des concessions et des abdications est passée : « ce que la France ne comprend pas, c’est pourquoi, depuis plus de trois ans, dans les traités de paix comme dans les conventions ultérieures, l’accord entre les Alliés s’est si souvent fait à nos dépens. » Personne ne veut réduire l’Allemagne en esclavage ou l’anéantir, mais la réparation des dommages est pour nous une question de justice et de salut : elle se fera avec ou sans l’Angleterre.

L’échec de la Conférence de Londres n’a nulle part produit plus de malaise et d’inquiétude qu’en Allemagne. A aucun pays, pas même à