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temps que chef religieux : en Islam, il est bien difficile de distinguer entre les deux pouvoirs, mais au Maroc ils sont indissolublement unis. C’est la force de notre protectorat de l’avoir parfaitement compris et de savoir se servir d’une organisation séculaire pour entraîner les tribus dans la voie du progrès ; quand le développement de l’autorité chérifienne se fait par nos armes, ce n’est pas à l’Infidèle que les révoltés font leur soumission, c’est à leur souverain légitime ; et l’obéissance leur parait ensuite plus facile à une autorité qui s’accompagne des formes religieuses ancestralement respectées.

La pacification du Maroc reste une œuvre de longue haleine car sur la sauvage indépendance des montagnards Berbères l’autorité du Sultan était souvent nominale, et l’histoire de l’Islam est faite des révoltes religieuses que les marabouts fanatiques ont dressées périodiquement contre le pouvoir chérifien. Après la pacification, il faudra, selon la formule du maréchal Gallieni, que le maréchal Lyautey a faite sienne, il faudra « montrer la force, afin de n’avoir point à s’en servir. » Mais le temps fera son œuvre, et dès maintenant, par une administration honnête, qui sait ne pas abuser de son autorité, grâce à un système d’impôts bien établi dont le rendement est employé en grande partie dans le pays même des contribuables, grâce au développement du commerce, au perfectionnement des cultures, à l’assistance médicale, à l’instruction appropriée aux besoins des populations, aux grands travaux publics, particulièrement routes et voies ferrées, les tribus se trouvent heureuses de vivre sous le régime nouveau et la pacification se fait par la tache d’huile. Mais à la base de tout le système se trouve le respect de la religion et des coutumes, et l’autorité du Sultan est la clef de voûte de l’édifice.

Aussi je suis certain d’être en communauté de vues avec mon ancien chef le maréchal Lyautey en lui demandant par télégramme de présenter au Sultan l’hommage de mon respectueux souvenir et mes vœux pour la prospérité de son empire.

Et le Résident général me répond aussitôt :

Je suis très touché de votre pensée à votre passage sur cette terre marocaine où vous avez écrit une page si glorieuse. Je m’empresse de transmettre votre message à Sa Majesté le Sultan, vous remercie pour ce qui me concerne personnellement et vous adresse mes vœux pour votre mission.

Signé : LYAUTEY.