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victoire à Hohenlinden, mourut ici de la fièvre jaune en 1802, après avoir pacifié l’île. Tout un passé historique qui finit dans une horrible tragédie se dresse devant moi.

Nous sommes dans un pays frontière, sur une terre riche, que les Français et les Anglais se sont ardemment disputée aux XVIIe et XVIIIe siècles. De beaux combats ont jeté une vive lueur Sur cette longue lutte, dont l’éclat n’est pas parvenu jusqu’à nous, parce que le miroir de l’Histoire s’est injustement détourné d’eux. Mais la défense de la Guadeloupe pendant les premières années de la Révolution et les événements qui suivirent restent d’un intérêt puissant et très instructif.

Un petit commis du port de Brest, Victor Hugues, est envoyé comme commissaire de la Convention avec d’insignifiants comparses. On savait l’Ile menacée : quand il y arrive, elle était prise. 10 000 Anglais y tenaient garnison. Il y débarque 1 130 hommes le 2 prairial an II et appelle les esclaves à la liberté ; cinq jours après, il prenait d’assaut la ville principale de l’Ile, Pointe-à-Pitre. Malgré les renforts qu’amène l’amiral Jervis, — le futur lord Saint-Vincent, — il achève la conquête de la Guadeloupe et les derniers Anglais capitulent au camp de Berville. Le feu et la fièvre jaune ont décimé ses troupes : il organise une armée de 10 000 hommes en amalgamant les noirs et les blancs ; la moitié de ses officiers sont noirs ou mulâtres et il traite tous les soldats sur le même pied, quelle que soit leur couleur. En l’an III, il prend l’offensive et s’empare de Sainte-Lucie, de Saint-Martin et de Saint-Eustache. Malgré ses échecs à la Martinique et à la Dominique, son attitude est tellement menaçante que l’Angleterre décide un grand armement contre cet ennemi imprévu. Une flotte de 200 voiles prend la mer à Cork et à Spit Head, avec 28 000 hommes sous le commandement de Sir Ralph Abercromby ; elle se renforce à la Martinique, tombée au pouvoir des Anglais dès l’an II, par suite des divisions intestines de cette île, et arrive le 4 floréal an IV devant Sainte-Lucie, que défendent 2 000 Français, presque tous noirs. Après plusieurs assauts infructueux, il faut se résoudre à un siège régulier que mènent trois régiments anglais, des troupes étrangères et d’autres noirs, 3 000 pionniers noirs de la Martinique. La place ne se rendit que le 7 prairial, faute d’eau, après une défense qui coûtait un millier d’hommes à l’ennemi et lui enlevait toute tentation d’attaquer la Guadeloupe. Bien