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en bataille, commandé par des officiers noirs, avec des sapeurs noirs coiffés du bonnet à poil en ours blanc, tous immobiles sous la neige, et les héroïques soldats de Victor Hugues, momentanément égarés par la faute de la métropole, disparaissent de l’histoire en beauté.

J’ai résumé ailleurs cette épopée ; c’est donc en connaissance de cause que je puis répondre au maire de Basse-Terre, quand, à l’hôtel de ville, il me remercie, lui aussi, d’avoir signalé la Force noire. Je revendique même comme un de mes illustres prédécesseurs, le maréchal de Saxe, qui avait dans son régiment de Saxe-Volontaire une brigade nègre, remontée en chevaux blancs. La nécessité d’augmenter les effectifs de l’armée royale lui fit proposera Louis XV de lever des troupes noires, — le mot est de lui, — mais l’influence des planteurs, alors très grande, fit échouer ce projet, jugé dangereux pour le maintien de l’esclavage.

Les écoles de la Guadeloupe ne le cèdent en rien à celles de la Martinique, et j’y retrouve les mêmes figures sympathiques et éveillées. Le temps nous presse, malheureusement, il faut mettre les bouchés doubles, et je donne à bord du Jules Michelet un dîner de quarante couverts suivi d’un grand bal comme à Fort-de-France.

Le lendemain 29, nous partons en automobile pour Pointe-à-Pitre. Une aimable attention nous arrête pour déjeuner à la station balnéaire de Dolé, près de la mer et dans un site charmant. Nous sommes reçus au passage par la petite ville de Capesterre où l’accueil est aussi enthousiaste que partout. Mais voici que sur notre route se dresse une haute pyramide toute neuve : un prédécesseur de M. Duprat, le gouverneur Merwart, a eu l’heureuse idée de commémorer la découverte de l’île et le débarquement de Christophe Colomb sur cette plage le 4 novembre 1493, au cours de son deuxième voyage. Je m’arrête et je fais cueillir quelques fleurs, — il y a toujours et partout de belles fleurs dans ces campagnes, — pour les déposer au pied du monument.

Vers deux heures, nous avons fait nos 60 kilomètres depuis Basse-Terre et nous approchons de Pointe-à-Pitre ; trente automobiles pavoisées sont venues à notre rencontre : c’était autrefois l’usage d’aller à cheval au-devant des visiteurs qu’on voulait honorer et de leur faire cortège ; l’ancienne coutume s’est transformée, mais la courtoisie demeure. Aux faubourgs et dans la