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1870


Hastings, 15 septembre 1870 [1].

A Sa Majesté l’Empereur de Russie.

Sire,

Eloignée de ma patrie, j’écris aujourd’hui à Votre Majesté.

Il y a quelques jours à peine, quand les destinées de la France étaient encore entre les mains du pouvoir constitué par l’Empereur, si j’avais fait la même démarche, j’aurais paru peut-être, aux yeux de Votre Majesté et à ceux de la France, douter des forces vives de mon pays.

Les derniers événements me rendent ma liberté et je puis m’adresser au cœur de Votre Majesté. Si j’ai bien compris les rapports adressés par notre ambassadeur, le général Fleury, votre Gouvernement écartait a priori l’idée éventuelle du démembrement de la France.

Sire ; le sort nous a été contraire, l’Empereur est prisonnier et calomnié. Un autre Gouvernement a entrepris la tâche que nous regardions comme notre devoir de remplir. Je viens supplier Votre Majesté d’user de sa légitime influence afin qu’une paix honorable et durable puisse se conclure quand le moment sera venu, que la France, quel que soit son gouvernement, trouve chez Votre Majesté les mêmes sentiments qu’Elle nous aurait montrés dans ces dures épreuves.

Telle est la prière que je lui adresse.

Dans la situation où je me trouve, tout peut être mal interprété : je prie donc Votre Majesté de tenir secrète cette démarche que son généreux esprit comprendra sans peine et que m’inspire le souvenir de son séjour à Paris.

Je prie Votre Majesté de croire aux sentiments avec lesquels je suis


de Votre Majesté, la bonne sœur,
EUGENIE.

Enregistrée à Pétersbourg le 20 septembre.

  1. Ces lettres transcrites directement sur les originaux ont été publiées depuis la mort de l’impératrice. Nous les avons néanmoins laissées dans cet article, car elles nous semblent à leur place véritable, encadrées entre les deux visites d’Alexandre II à l’Impératrice Eugénie.