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Sur sa réponse affirmative, le lendemain à l’heure convenue, le Tsar arriva à Camden Place...

L’Impératrice redoutait cette entrevue pour le souvenir des jours heureux qu’elle allait réveiller, et elle craignait de ne pas pouvoir dominer son émotion. Néanmoins, faisant un violent effort sur elle-même, elle alla recevoir l’auguste visiteur à la porte de la villa. Quand les deux survivants des fêtes de 1867 «e trouvèrent en présence, les souvenirs féeriques se dressèrent et s’écroulèrent entre eux, — et une angoisse poignante s’empara de l’un et de l’autre. Au lieu de la souveraine rayonnante de beauté et de puissance qu’il avait laissée trois ans auparavant, l’Empereur retrouvait une veuve détrônée, exilée et vieillie... Et celle qui avait accueilli dans son empire le tout-puissant souverain, voyait apparaître dans sa retraite celui qui d’un geste, — croyait-elle, — aurait pu empêcher ses malheurs, et surtout le malheur de la France...

Telle fut leur émotion réciproque, leur attendrissement invincible, que pendant quelques instants ils restèrent debout l’un en face de l’autre, se regardant au fond de leurs yeux humides, sans pouvoir prononcer une parole, les mots s’arrêtant dans leur gorge oppressée...

Enfin, après un long silence peuplé de regrets, et peut-être de remords, le Tsar prit la main de l’Impératrice entre les siennes, il la serra tendrement et l’approcha de ses lèvres en murmurant :

— Ah ! Madame ! Si c’était à refaire !...

— Trop tard. Sire, répondit-elle, non sans une involontaire amertume contre la destinée et avec une résignation forcée devant l’irréparable...


Le lendemain, le Tsar devait passer une grande revue à Aldershot. Avant de se rendre au champ de manœuvre, il avait accepté le lunch que lui offrait à Woolwich le général Symons, directeur de l’Ecole.

Par un hasard... providentiel, la compagnie des cadets qui montait la garde ce jour-là était-celle du prince Impérial. L’Empereur, averti que ce jeune soldat qui lui présentait les armes était le fils de Napoléon III, ne put s’empêcher de lui adresser quelques paroles émues, puis il entra dans l’Ecole. Peu après, on vint dire au lieutenant Louis-Napoléon que Sa Majesté