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autres, et qui est, en vérité, tragique. On lui reprocha d’être, par ses exigences, l’obstacle à la réconciliation et à la reconstruction universelles. A cette vague de sentiment, qui soulevait en 1917 la nation tout entière en notre faveur et la portait vers nous, succéda une autre vague, qui entraîna l’opinion en sens inverse et détourna de nous les sympathies.

Ce n’est pas ici le lieu de retracer cette triste histoire, ni même de rappeler l’incident déplorable, autant que significatif, créé par le premier Lord de l’Amirauté, Lord Lee of Farenham, quand il attribua au capitaine de frégate Castex et, par-dessus lui, à la Marine française, une opinion que cet officier mentionnait, pour la condamner, comme étant celle des chefs de la Marine allemande. Rappelons seulement que le Daily Mail écrivait à ce sujet : « A la suite des renseignements que nous publions aujourd’hui sur le sens exact des théories énoncées dans le fameux article du capitaine de frégate Castex, le premier Lord de l’Amirauté britannique est tenu de faire amende honorable à l’officier français. Lorsque des erreurs de ce genre sont commises, elles doivent être réparées à la première occasion par ceux qui en sont responsables. »

Il n’y eut ni amende honorable, ni même rectification, et l’officieux Daily Chronicle, après que le délégué britannique avait attribué à un marin français le raisonnement allemand, osait conclure que la France avait adopté les méthodes de l’Allemagne impériale et joué à Washington le rôle que le Reich jouait autrefois à La Haye. C’est ainsi qu’on égarait l’opinion américaine. Faut-il s’étonner, dès lors, d’un résultat comme celui que constatait le correspondant d’un journal anglais ami de la France :


La France, qui fut autrefois la bien-aimée de l’Amérique, a désormais cessé d’être un enfant chéri. L’Amérique est irritée, très irritée contre la France. Le ressentiment et l’erreur s’accroissent. C’est maintenant dans les cercles officiels qu’ils se montrent plus intenses. M. Hughes, dont on connaît le caractère égal, ne cache pas son indignation devant le refus de la France, qu’il regarde comme devant avoir pour conséquences de détruire beaucoup du bon travail accompli par la Conférence. L’opinion des gens autorisés est que, si la France n’a pas causé l’échec total de la Conférence, comme beaucoup de grands journaux l’en accusent, et par la raison que ce qui a été fait ne peut être détruit, elle a du moins mis en péril la ratification des traités. Et c’est là ce qui irrite M. Hughes.