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commandent les attitudes d’âme, où les arguments du grand Arnauld ravitaillent au jour le jour les mobilisations théologiques : qu’est devenu, au dehors, cet esprit de piété dont Zamet avait rêvé que ce sanctuaire devint le foyer ? Saint Vincent de Paul constate, en 1648, que sur l’Eucharistie, sur la pénitence, certaines idées circulent, qui ont pour effet de diminuer dans les paroisses parisiennes, même à Pâques, le chiffre des communions, et que si le livre d’Arnauld, messager de ces idées, a pu, dans Paris, rendre peut-être « une centaine de gens plus respectueux en l’usage des sacrements, » il y en a « pour le moins dix mille à qui il a nui en les en retirant tout à fait. » Puis, en 1635, Mme de Choisy, voulant faire passer à Mme de Sablé quelques bonnes vérités par l’entremise de leur commune amie Mme de Marre, écrit à cette dernière :


Les courtisans et les mondains sont détraqués depuis ces propositions de la grâce, disant à tous moments : hé ! qu’importe-t-il comme l’on fait, puisque, si nous avons la grâce, nous serons sauvés, et, si nous ne l’avons point, nous serons perdus ? Et puis ils concluent par dire : tout cela sont fariboles. Voyez comme ils s’étranglent Irétous. Les uns soutiennent une chose, les autres une autre. Avant toutes ces questions-ci, quand Pâques arrivaient, ils étaient étonnés comme des fondeurs de cloches, ne sachant où se fourrer et ayant de grands scrupules. Présentement ils sont gaillards, et ne songent plus à se confesser, disant : ce qui est écrit est écrit. Voilà ce que les jansénistes ont opéré à l’égard des mondains.


Saint Vincent de Paul et Mme de Choisy n’ont pas le même observatoire : saint Vincent se tient près du confessionnal, près de l’autel, et note que les sacrements sont beaucoup moins demandés ; et la fine oreille qu’est Mme de Choisy surprend, dans les conversations de salon, les raisons qu’on a de s’en détacher. Raisons bien humaines, assurément, mais qui se font l’effet à elles-mêmes d’être moins banales, voire plus respectables, en cherchant la complicité de certains arguments théologiques, et en la trouvant.

Or ces arguments qui viennent si opportunément au secours de la tiédeur, ou les trouve dans la Fréquente communion d’Arnauld, et puis dans ce qu’on entend dire de l’Augustinus de Jansénius ; car le premier de ces auteurs induit son lecteur à redouter la table sainte ; et s’il parait résulter, des thèses doctrinales du second, que l’homme ne peut quasiment rien pour son