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par notre énorme convoi, qui, dans la suite, s’étendit sur une longueur de dix kilomètres.

L’armée, et, venant derrière elle, une partie de la population civile non armée, les malades et les blessés, les gens hors d’état de porter les armes, les femmes et les enfants, — tout cela quitta brusquement Rostow dans la nuit du 9 février, et se dirigea par Nakhitchevan vers le village d’Aksaïsk. Il devenait impossible de rester plus longtemps dans une grande ville à la population ouvrière bolchévisante. C’est pourquoi le général Korniloff résolut de faire route vers la région du Kouban, où on supposait que le général Erdeli organisait des forces imposantes. La ville d’Ekaterinodar tenait encore, et nous espérions arriver assez à temps pour nous joindre aux Cosaques du Kouban.

Le 10 février, notre armée, avec ses huit canons, traversa la rivière Don et s’arrêta, à quelques kilomètres de là au village d’OIginskaïa.

Le matin du 14, après que les généraux Alexéïeff et Korniloff eurent vainement tenté de s’accorder avec l’alaman du Don, Popoff, qui s’en alla de son côté avec ses Cosaques dans les steppes de Salsk au Sud-Est, nous nous dirigeâmes vers le Sud-

Notre colonne présentait un aspect bizarre. A l’avant et à l’arrière étaient les unités armées ; au milieu, lamentables, offrant une apparence bien peu militaire, un nombre infini de fourgons.

Le plus pénible de toute cette campagne, qui se termina le 21 avril par notre repli sur le Don, fut encore la complète ignorance de la direction que nous allions prendre et du sort qui nous attendait. Ce sentiment d’incertitude pesait lourdement sur nous. Je n’étais pas au nombre des combattants, mais, en couvrant ce nombre incalculable de kilomètres, par les steppes sans fin, piétinant dans la boue ou glissant dans les ornières, de nuit comme de jour, je me demandais, journaliste armé, pourquoi faisions-nous campagne, où allions-nous ?

L’unique réponse était : à la recherche de la Patrie.

Ce rêve, que nous avons poursuivi durant trois pénibles années, ce rêve aujourd’hui dissipé nous a tous, maintenant, jetés à l’étranger. Nous le cherchions alors dans les plaines du Don et du Kouban.

Nos étapes étaient, pour l’ordinaire, de 20 à 30 kilomètres. On avançait avec lenteur, ménageant les chevaux que fatiguaient