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Or, tout ce qui n’est pas cet accord est dissonant ; tout accident est une altération ; tout son étranger à l’inflexible unité des sons est une dissonance. Quelles sont les notes, les seules notes sur lesquelles se construira cette pédale ? Je vois la tonique, je vois la dominante. Or qu’est-ce que cette dominante, ce dominateur du ton ? C’est la manifestation absolue de la tonalité, l’expression de la substance du ton, son second terme, son verbe, si vous voulez. Or, voici que ces éléments sont consonants, que, loin d’être étrangers à l’accord, ils en sont les bases inébranlables et nécessaires ; que, loin d’être des accidents, ils sont l’être lui- même, l’être absolu. Vous les prenez comme base et, voyez maintenant, cette base est si ferme, cette tonalité est si franche, si réelle, si vivante, qu’aucun accord pris avec elle ne la détruit. Les notes étrangères, les dissonances, ce sont tous ces accords infinis que vous pouvez frapper avec votre sentiment multiple et passionné. La consonance demeure reine et victorieuse, dominatrice puissante. C’est l’unité majestueuse, solide, immuable. Et comprenez l’abondance à présent. Quels contrastes va vous donner cette multitude infinie de combinaisons sentimentales à laquelle vous pensez vous abandonner ! Aussi rien n’est plus beau, rien n’est plus grand. C’est, au milieu d’une lutte acharnée, la victoire qui approche ; c’est un dessein glorieux, un dénouement sublime qui naît parmi l’effort et l’embarras de l’égoïsme, qui grandit et se fortifie, qui reste et demeure seul. C’est l’annonce d’une grande nouvelle au milieu d’une foule agitée, éperdue d’attendre ; c’est l’arrivée, c’est tout ce qui est heureux, tout ce qui est fort, tout ce qui est ferme ; un Dieu parmi les hommes, la lumière du sacrifice au milieu des ténèbres de la passion. »

Ici, lecteur, lecteur musicien, à qui les grands chefs-d’œuvre de la musique sont familiers, vous sentez, n’est-ce pas, venir l’exemple, un exemple fameux entre tous, qui va confirmer et comme illustrer ces éloquentes paroles. Il approche. Le voici. « Avez-vous entendu, poursuit le jeune inspiré, avez-vous entendu cette gloire et cette magnificence que Beethoven a dite dans le finale de sa symphonie en ut ? Avez-vous tressailli à cette annonce, à cette entrée si royale, si divine, qu’il semble, en vérité, que ce soit le triomphe de la vie sur la mort, le Christ vainqueur du tombeau ? Eh ! bien, voilà cette unité harmonique, la voilà dans toute sa force, dans toute sa vérité. Vous