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positivement l’élément le plus dramatique. Or, d’où viennent ces passions et ces actes ? De la chute, tout comme la dissonance, qui les exprime et les représente. Les panthéistes nous disent : « Que Dieu nous préserve d’un art dans lequel ces éléments n’existeraient pas ! » Hélas ! ici, sur cette terre, dans la lutte présente, il est certain que notre art sera toujours cela ; mais, avant de dire que dans la musique l’élément consonant est monotone et qu’au théâtre la vertu humaine est la mort du drame, il faudrait tâcher de comprendre ce que peut être la manifestation parfaite de la vertu infinie. Oh ! s’il nous était donné d’entendre un hymne que Dieu aurait créé et qui le manifesterait, nous ne douterions plus. Nous l’entendrons un jour. Ce chœur est peut-être quelque part dans le monde des élus. Il est peut-être votre récompense, nobles apôtres de l’Art, et vous vous enivrez à l’entendre, là où vous êtes... Et nous, que pouvons-nous faire ici ?... Courage toujours ! L’humanité rachetée remonte incessamment vers sa vie primitive. Oh ! il peut être bien beau aussi, le dernier cantique de l’humanité venant offrir à Dieu, le juge et le père, ses siècles accomplis. Ce chant viendra des hommes, et (qui empêche de le croire ?) se mêlera à cet autre chant du monde, pour réjouir les saints et Dieu lui-même pendant toute l’éternité des cieux [1]. »

« Imaginations ! » vont s’écrier les incroyants, après lecture dételles pages. « Célestes vérités ! » leur répondront les autres. Et les premiers, s’ils ne souscrivent point à cette haute et profonde exégèse, ne refuseront pas au moins d’y réfléchir.

Dans le même ordre, celui de la psychologie et même de la théologie musicale, un autre phénomène sonore est le sujet d’une « méditation, » ou « élévation, » non moins éloquente. Ce phénomène est la « pédale. » On sait que l’école désigne par ce mot« un son tenu dans la partie de basse, pendant qu’au-dessus de lui les harmonies les plus variées se succèdent [2]. » Charles Gay l’explique ou l’analyse en ces termes : « Descendons à l’examen. Peut-on bien dire que ce fait de la pédale harmonique soit étranger à l’accord, soit accident, comme on l’appelle ? Suivons bien. L’accord est un ; en vertu de cette unité il est consonant...

  1. « Toute véritable poésie est théologie, » a dit Boccace. Serait-ce également vrai de toute musique ?
  2. Hugo Riemann, Dictionnaire de musique.