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il n’en resterait pas moins l’homme qui a tracé les principes dont ne devra pas s’écarter la métapsychique si elle veut accéder quelque jour à la dignité de science ; il n’en resterait pas moins l’illustre physiologiste dont les découvertes positives honorent la France et ont été soulignées par le prix Nobel ; il n’en resterait pas moins le savant devant qui tout Français, devant qui tout homme qui réfléchit, quelle que soit par ailleurs son opinion sur la réalité des faits métapsychiques, s’incline avec respect et admiration.

Ce qu’écrivait, il y a quelque vingt ans, le professeur Flournoy reste plus vrai que jamais : « ... Il faut savoir gré à M. Richet de ce que, titulaire d’une des plus hautes chaires scientifiques du monde civilisé, il a eu le courage de s’attaquer, sans parti pris et sans siège fait, à un domaine aussi mal noté que celui des phénomènes dits occultes, au risque d’y compromettre, non pas la science qui ne court aucun danger, mais sa réputation personnelle, son prestige officiel, son autorité aux yeux de ses confrères et du grand public cultivé [1]. »

L’ectoplasme a fait énormément parler de lui depuis quelque temps, et nous allons voir qu’il y a de quoi. Mais avant d’en aborder l’étude je suis tenu à une dernière précaution oratoire, ou pour mieux dire à une précision qui évitera certaines interprétations erronées de nos conclusions.

Il existe de par le monde une quantité considérable de spirites qui sont organisés en sociétés, ont des publications souvent très bien faites et intéressantes, et ont à leur tête, — en France notamment, — des hommes respectés dont la parfaite bonne foi n’est pas douteuse, comme M. Léon Denis et M. Gabriel Delanne.

Le spiritisme est une doctrine, une sorte de religion ou de croyance dont les nombreux adeptes pensent et enseignent que les âmes désincarnées des morts peuvent, par des moyens variés, revenir visiter les vivants et même converser avec eux. Cette doctrine est infiniment respectable, comme tout ce qui touche au domaine de la foi, d’autant qu’elle apporte souvent des consolations touchantes à ses adeptes. Je connais pour ma part un grand nombre de fidèles

  1. Dante déjà avait dit, il y a plusieurs siècles, avec un scepticisme désabusé :

    Sempre a quel ver ch’ha faccia di menzogna
    Dee l’uom chiuder le labbra quanto ei puole
    Pero che senza colpa fa vergogna.

    « L’homme est obligé de dissimuler autant qu’il peut les vérités qui ont l’apparence du mensonge, parce qu’elles lui font du tort sans qu’il soit en faute. »