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Carrousel. Je fus assez bien placé pour voir ce beau spectacle, et contempler à mon aise l’homme puissant qui avait vaincu l’anarchie, après avoir vaincu les ennemis de la France, et substitué l’ordre aux déplorables et sanglantes actions de la Révolution.

J’entre et je loge pour la première fois dans une caserne. Je ne trouvai rien de bien séduisant dans cette nouvelle existence ; mais comme je savais depuis longtemps qu’étant militaire, je devais renoncer à une grande partie de ma liberté, et au bien-être qu’on trouve dans sa famille, je ne m’en préoccupai pas trop.

Je fus habillé dans la journée et pourvu des effets de linge et de chaussure dont je pouvais avoir besoin. On me donna un habit frac bleu dont la doublure et les passepoils étaient écarlates, boulonnant sur la poitrine, avec des boutons aux faisceaux consulaires (ceux à l’aigle n’étaient pas encore frappés) avec cette légende : Garde consulaire ; une culotte et une veste en tricot blanc, assez grossier ; un chapeau à corne avec des cordonnets jaunes ; des épaulettes en laine verte, à patte rouge ; fusil, giberne, sabre, etc. Il nous fut recommandé de laisser pousser nos cheveux pour faire la queue, et de vendre ceux de nos effets qu’on ne nous avait pas enlevés. Enfin, on nous permit comme faveur d’aller au spectacle, si nous le désirions, jusqu’à l’époque de notre départ pour Ecouen.

Je restai à Paris jusqu’au 12 juillet inclus. Pendant ces cinq jours d’assez grande liberté, je visitai tous les monuments et les curiosités.

Partis de Paris en détachement, le sac sur le dos, le fusil sur l’épaule, pour la garnison qui était affectée aux Chasseurs vélites et où s’organisait le bataillon, je fus placé dans la 4e compagnie, commandée par le capitaine Larrousse. Le chef de bataillon s’appelait Desnoyers. Il y avait cinq compagnies, fortes alors de 36 hommes chacune, mais s’augmentant tous les jours par l’arrivée des vélites qui venaient de toutes les parties de la France. Si nous n’étions pas les premiers, nous étions bien loin d’être les derniers. J’avais le n° 234 sur le registre matricule du corps.

Notre solde était de 23 sous et 1 centime par jour. On mettait 9 sous à l’ordinaire, 4 étaient versés à la masse pour la fourniture des effets de linge et de chaussure, et les 10 autres