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étaient donnés tous les dix jours (par décade) à titre de sous de poche. L’ordinaire était bon, et la solde suffisante pour satisfaire à tous les besoins de première nécessité, mais malheureusement on exerçait souvent des retenues qui n’étaient pas toujours justifiées très scrupuleusement et dont on n’osait se plaindre, car les sergents-majors étaient tout puissants dans les compagnies.

Le beau et magnifique château d’Écouen, situé à cinq lieues de Paris, avait été disposé pour en faire une caserne, et loger le bataillon de vélites qui s’organisait.

Deux jours après mon arrivée à Ecouen, c’est-à-dire le lundi 15 juillet, je fus très surpris de voir à la boutonnière des officiers et de plusieurs sous-officiers une belle décoration suspendue par un ruban rouge moiré. J’appris que c’était l’ordre de la Légion d’honneur, dont la première distribution avait été faite la veille par l’empereur Napoléon en personne, dans le temple de Mars aux Invalides.

17 novembre. — L’Empereur passa à Ecouen ; il se rendait à Boulogne pour donner des croix aux troupes campées sur les côtes de France et qui formaient l’armée destinée à une descente en Angleterre. Nous bordions la haie sur la hauteur avant de descendre dans le bourg. L’Empereur ne s’arrêta pas pour nous voir, ce qui blessa notre amour-propre de conscrits.

27 novembre. — Depuis plusieurs jours nous étions prévenus que nous assisterions au sacre de l’empereur Napoléon, et que nous devions nous tenir prêts à partir. Nous dûmes à cette grande cérémonie de recevoir nos habits de grande tenue, avec des boutons à l’aigle, nos énormes bonnets d’oursin qui couvraient nos petites figures imberbes et d’autres vêtements qu’on ne nous avait pas encore donnés.

Casernés à l’École militaire, on nous distribua, nous vélites, dans chaque chambrée des vieux chasseurs, comme une ration, avec ordre de prendre une place dans les lits qui étaient déjà occupés par deux titulaires qui se seraient bien passés de cette augmentation importune. Il fallut se résigner à coucher trois et à habiter des chambres où l’on ne pouvait pas circuler, tant elles étaient encombrées. Combien cela nous promettait de plaisir !