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LA DISTRIBUTION DES AIGLES

Ainsi que pour la précédente prise d’armes, nous nous levâmes avant le jour, pour nous rendre au Champ de Mars où nous étions établis dès huit heures du matin, pour recevoir nos aigles, et entourer le trône de tout l’éclat que la troupe prête à ces cérémonies. De grands préparatifs avaient été faits pour donner à cette fête militaire, à cette nouvelle consécration, toute la majesté, toute la pompe qu’exigeait une aussi imposante solennité. En même temps que nous, les autres régiments de la Garde, les troupes en garnison à Paris et celles qui étaient arrivées pour assister au Sacre, les députations des gardes nationales de France et de toutes les armes de l’armée de terre et de mer, vinrent prendre leur place de bataille. Le Champ de Mars, tout vaste qu’il est, ne pouvait contenir tout ce qui avait été convoqué ou qui était venu volontairement, pour recevoir et jurer fidélité au drapeau qu’on devait distribuer dans cette grande journée.

Après la remise des aigles à chaque chef de corps et la prestation de serment, le défilé commença. Cela fut très long et ne se termina qu’à la nuit. Nous fûmes les derniers à nous retirer. Ç’aurait été vraiment beau, si le temps eût favorisé cette majestueuse solennité. Mais le dégel, la pluie, le froid avaient glacé, sinon l’enthousiasme et le dévouement de l’armée à son glorieux chef, du moins les bras et les jambes. On était dans la boue jusqu’aux genoux, surtout en face de l’immense et magnifique estrade où se tenait l’Empereur, entouré de sa cour et de tout l’état-major général de l’armée.

Je vis, dans cette immensité armée, le sergent du 46e de ligne qui portait dans une petite urne en argent, attachée sur le côté de sa poitrine, le cœur du premier grenadier de France, le valeureux La Tour d’Auvergne, mort au champ d’honneur.


DÉPART POUR L’ITALIE

15 janvier 1805. — Le 14 janvier 1805, l’ordre arriva de prendre dans les compagnies tous les hommes valides qui étaient à l’école de bataillon et d’en former deux détachements qui allaient être dirigés sur Paris. Je fus désigné pour le premier.

Nous ignorions pour quelle expédition nous étions désignés,