Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/523

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Charlottenbourg, à deux lieues de Berlin où l’Empereur fait bientôt son entrée :


L’EMPEREUR ENTRE À BERLIN

27 octobre. — Nous partîmes de Charlottenbourg en grande tenue, bonnet et plumet en tête, toute la Garde réunie, et disposée à faire une entrée solennelle. Arrivé à la belle porte de Charlottenbourg, ou plutôt à ce magnifique arc de triomphe sur lequel est un quadrige d’un très beau travail, l’Empereur laissa passer sa belle Garde à cheval, et se mit à notre tête entouré d’un état-major aussi brillant que nombreux. Les grenadiers nous suivaient ; la gendarmerie d’élite fermait la marche. Pour nous rendre au palais du Roi, où l’Empereur devait loger, nous suivîmes cette grande et magnifique allée des Tilleuls, la plus belle que l’on connaisse et qui est supérieure en beauté, sinon en longueur, aux boulevards de Paris. La foule était si grande pour nous voir passer, que l’on aurait pu croire que toute la population de Berlin s’était portée sur ce point pour voir passer les vainqueurs de leur pays, ce qui prouve qu’il y a des badauds ailleurs qu’à Paris.

Il y avait tous les jours grande parade dans la cour extérieure du château située entre le Palais et la prairie dont j’ai parlé. Le bataillon de service et les piquets de cavalerie de la garde s’y trouvaient et restaient pour défiler les derniers. Toutes les troupes qui arrivaient de France, toutes celles qui étaient restées en arrière pour poursuivre les débris de l’armée prussienne ou pour bloquer les places fortes que l’ennemi cédait tous les jours étaient passées en revue par l’Empereur, qui les gardait longtemps sous les armes. Il faisait à l’instant même toutes les promotions nécessaires pour compléter les cadres des régiments, distribuait des décorations aux militaires qui lui étaient signalés comme ayant mérité cette glorieuse récompense, adressait des allocutions aux corps, les faisait manœuvrer pour s’assurer de leur instruction pratique, enfin ne négligeait rien de ce qui pouvait intéresser leur bien-être ou les enflammer du désir de voler à d’autres combats.

Ces parades et revues étaient très curieuses à observer ; on aimait à suivre du regard celui qui foudroyait les trônes et les peuples. Nous fûmes deux fois exécuter de grandes manœuvres