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hommage à l’œuvre accomplie par Ferdinand de Lesseps, de 1880 à 1888, et ses continuateurs français de 1888 à 1904. En outre, le général Babbitt a bien voulu placer près de moi le colonel Blake, admirablement renseigné sur l’histoire aussi bien que sur la technique du canal. Je puis donc m’instruire par les yeux et par les oreilles dans les conditions les meilleures.

Depuis le commencement du XVIe siècle, une des grandes routes du monde passe par ici : celle qui a vu le plus d’or. Car l’or et l’argent du Pérou arrivaient par mer à Panama et, par une route pavée, allaient s’embarquer à Porto-Bello sur l’Atlantique où les célèbres galions les transportaient en Espagne. Longtemps après, c’est par Panama que l’or de Californie était transporté en Europe ; si bien que les Américains du Nord construisirent au milieu du XIXe siècle un chemin de fer de 1 mètre 05 entre Panama et Colon. Le tracé de cette voie ferrée a dû être modifié après le percement du canal, mais elle continue à rendre de grands services à l’administration du canal dont elle dépend.

Après les premières études du lieutenant de vaisseau Bonaparte Wyse, en 1876, et la concession qu’il avait obtenue de la Colombie pour le percement du canal interocéanique, Ferdinand de Lesseps donna corps au projet et commença en 1880 les travaux du canal de niveau, saris écluse. En 1885, tout le capital souscrit était dépensé, et pourtant la réalisation de ce projet n’apparaissait que comme très lointaine. Après un nouvel appel au crédit, on se résigna au canal à écluses, et les travaux furent poussés assez activement jusqu’en 1888. Mais le but continuait à s’éloigner, et on désespéra de l’atteindre. La Compagnie fut déclarée en faillite ; des scandales parlementaires déshonorèrent l’entreprise, qui végéta jusqu’en 1904.

A ce moment, la nouvelle Compagnie vendit tous ses droits et tous ses biens aux États-Unis, moyennant 200 millions de francs ; les deux Compagnies avaient dépensé dans l’entreprise plus de 1 200 millions enlevés à l’épargne française, surtout aux petits capitalistes français. En outre, la fièvre jaune et le paludisme coûtaient la vie à environ douze mille Français, faute des précautions sanitaires qui étaient alors ignorées et qui sont maintenant considérées comme élémentaires.

En dix ans, de 1904 à 1914, les Etats-Unis ont achevé l’œuvre de Lesseps. D’abord, la République de Colombie se montrant trop