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leur tâche, leur œuvre à Panama a été saine et de grande valeur, et à tous égards ils méritent l’admiration de ceux qui leur ont succédé. »

Pour les Etats-Unis, le canal de Panama n’est pas une affaire : c’est une œuvre de souveraineté. Il s’agissait d’assurer la concentration de la flotte de guerre dans l’un ou l’autre Océan ; avant la construction du canal, le président Roosevelt avait cru nécessaire de démontrer cette possibilité en envoyant au Japon, par le détroit de Magellan, l’escadre de l’Atlantique. Mais c’était là un tour de force qu’il eût été difficile de recommencer en temps de guerre, à cause des approvisionnements de charbon et des vivres, et aussi du danger qu’il y aurait à éloigner du théâtre des opérations possibles la plus grosse partie des escadres nationales. Aussi le président Roosevelt, avec son admirable décision, entreprit cette œuvre qui devait doubler les forces de la flotte américaine et donner dans le monde à son pays tout le poids d’une nation de cent millions d’habitants. Tel est le but militaire, impérial, qu’a poursuivi le grand citoyen et que ses successeurs ne pouvaient manquer d’atteindre.

Le résultat est très impressionnant. Dans la partie au niveau de la mer, et même dans le lac de Gatun, la navigation rappelle un peu celle du canal de Suez, la végétation tropicale en plus. Mais la traversée des écluses, le passage de la Culebra à travers la tranchée Gaillard, sont vraiment extraordinaires. On voit la main de l’homme moderne façonnant le globe terrestre selon ses nouveaux besoins, séparant les continents, unissant les océans. Et l’on constate le travail tenace de conservation que la mobilité du sol rend nécessaire. Nous voyons les dragues en action sur les éboulements récents qui menacent le canal.

Un incident de route nous montre la nécessité de veiller sans cesse. Le Jules Michelet gouvernant un peu trop lentement, — ou plutôt n’obéissant pas assez vite à l’action de sa barre, — vient toucher contre une des rives, et assez fort. Il peut se dégager par ses propres moyens et reprendre immédiatement sa route, mais il devra passer au bassin de radoub à Panama, ou plutôt à Balboa, qui est le port de la zone américaine.

Mais voici Miraflorès, avec son petit lac et ses écluses qui nous redescendent au niveau de l’Océan Pacifique. Encore une dizaine de milles et nous accostons dans le port de Balboa.