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M. de Bar, maréchal de camp, dépêché par la Reine pour lui signifier la nullité de son mariage et le remplacer comme gouverneur. Avec Condé et Mme de Longueville, Conti était présent à la cérémonie clandestine de Trie...

Mazarin n’ignore aucun de ces détails ; il en sait d’autres ! Il sait que Conti mande près de lui les gentilshommes de son gouvernement de Champagne ; que Condé et Longueville en font autant. La Reine et le cardinal se décident à ordonner l’arrestation des trois princes.

Ils obtiennent le consentement du duc d’Orléans, beau-frère de la Reine et lieutenant-général du Royaume, mais à l’insu du favori du duc, l’abbé de la Rivière, vendu à la maison de Condé ; gagnent Paul de Gondi, coadjuteur de l’archevêque de Paris et futur cardinal de Retz, en lui offrant le chapeau rouge ; fixent l’arrestation au 18 janvier, à l’heure du Conseil.


II

Ce jour-là vers cinq heures de l’après-midi, le prince de Conti se rend au Palais-Royal. Malgré de secrets avis, il n’est pas inquiet. Sa mère, il est vrai, Charlotte de Montmorency (Madame la Princesse douairière), chez qui il vient de dîner avec son frère, a manifesté des craintes ; mais il se rappelle ce qu’a répondu Condé : « la Reine l’avait assuré de son amitié, et le cardinal était fort bien avec lui. »

Conti entre dans la chambre de la Reine. Anne d’Autriche est sur son lit ; tout auprès, le jeune Louis XIV (il n’a pas douze ans) « saute d’escabeau en escabeau. » Madame la Princesse douairière est là aussi et Monsieur le Prince et le duc de Longueville. C’est le moment qu’attendait Mazarin. Devant les princes, il mande à la Reine, — signal convenu entre elle et lui, — que tout est prêt, et qu’elle peut venir au Conseil. La Reine congédie Madame la Princesse ; le Roi déclare : « Maman dit que l’on passe en la galerie. » Condé, derrière lui Conti, puis Longueville, leur beau-frère, puis les ministres, s’y rendent, tandis que Mazarin se retire dans sa chambre avec l’abbé de la Rivière.

Gondé est debout près de la table du Conseil, à côté de la cheminée. Conti s’est assis sur un petit lit de repos ; il voit la porte s’ouvrir, le comte de Guitaut, capitaine des gardes de la