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danubienne sous l’égide de l’Autriche. Nous avons ensemble appelé de nos vœux cet accord de Muersteg qui mit une pause dans la querelle de la Russie et de l’Autriche d’où devaient surgir les grands événements. Pourquoi cette pause n’a-t-elle pas duré ?...

Mais, dites-vous, comment Sorel jugerait-il ce qui vient de se passer, ce qui s’est fait et ce qui se fait de jour en jour ? Quelle serait son opinion sur cette nouvelle Europe, bâclée à la diable et si impétueusement ? Comment cet historien du Congrès de Vienne eût-il apprécié la paix de Versailles ?... Sûrement, Albert Sorel eût gardé son optimisme fondamental et, plus que jamais, après la victoire ; sûrement, il eût prononcé avec joie le Nunc dimittis puisqu’il eût vu le retour de l’Alsace-Lorraine au giron ; sûrement, sa raison satisfaite eût pris une confiance plus entière encore, si possible, en la grandeur et la nécessité de la France.

Après cela, comment se fussent traduites ces impressions, comment Albert Sorel se fût-il rangé, lui et ses traditions, aux nécessités d’un temps nouveau et à l’alignement de circonstances imprévisibles ? Comment cet homme d’un autre âge se fût-il adapté à l’âge nouveau ? Comment sa connaissance du passé se fût-elle pliée aux exigences du présent et de l’avenir ? Qui peut dire ?... Laissons le silence aux morts.


GABRIEL HANOTAUX.