Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/633

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avant d’entendre des discussions politiques ; et l’antique salle de jeu, le Ridotto, où tant de nobles Vénitiens perdirent au pharaon tous les sequins de leur bourse. Seules les assemblées plénières auront lieu au théâtre Rossini.

Le théâtre Rossini ne contient pas deux mille personnes, il est trop petit de moitié. Une foule trépidante assiège l’entrée ; il est dix heures, on ferme les portes. Au dedans, l’agitation atteint son paroxysme. Refrains, hurlements, applaudissements, sifflets. Le congrès socialiste avait l’air d’une assemblée parfaitement bien tenue, voire un peu trop académique, si on la compare à cette foule qui détend d’abord ses nerfs. Le drapeau national et le drapeau de Saint-Marc, qui ornent la scène, ne contentent pas les congressistes ; ils exigent le drapeau du parti, on va le chercher : il apparaît, non sans une explosion d’enthousiasme bientôt suivie d’autres cris : il n’y a pas de crucifix, il faut un crucifix. Des poussées impérieuses les agitent ainsi. Tout d’un coup, grand émoi, grand tumulte ; un prêtre a cru voir dans la salle un représentant de la police : à bas la police ! à la porte la police ! Il ne faudra pas moins d’une demi-heure pour s’apercevoir qu’il y a malentendu.

Une telle assemblée ne donne peut-être pas l’exemple de toutes les vertus chrétiennes, sans exception, et entre autres, de la patience et de l’humilité. Elle ne pèche pas non plus par un excès de charité à l’égard de ses adversaires. Elle est nerveuse, batailleuse, agressive ; la douceur évangélique n’est pas son fait. Aussi bien nous répondrait-on que le parti populaire n’est pas confessionnel, tant s’en faut ; qu’il exige (c’est son programme) « la liberté et le respect de la conscience catholique, considérée comme rempart et comme fondement de la vie de la nation ; » mais qu’il admet tous les hommes de bonne volonté, quelles que soient leurs opinions religieuses ; qu’il ne dépend ni des évêques, ni du Vatican ; et qu’enfin, on peut bien concéder quelque chose à son jeune triomphe...

Car c’est bien un triomphe que l’on célèbre ici. Trois ministres, trois secrétaires d’Etat, la majorité des cent six députés inscrits au groupe ; des représentants de toutes les régions, même de celles qui étaient considérées comme les plus violemment anticléricales, les Marches par exemple ; des ouvriers des villes avec les paysans ; lorsqu’ils dénombrent une telle force, et songent que leur existence ne date guère que de