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du monde s’y étaient donné rendez-vous. On y voyait passer aussi quelques gens du pays, et des filles au châle noir qui riaient. Des tables minuscules, chargées de sirops et de glaces, invitaient à s’asseoir ; et l’on pouvait entrer aussi dans les boudoirs blanc et or qui s’ouvraient sous les portiques. Un orchestre jouait des airs nonchalants, qui s’évaporaient dans le soir. On aurait dit qu’on attendait quelqu’un, et personne ne savait qui : sans doute les grandes dames en paniers de soie, enrubannées et masquées, avec leurs cavaliers servants qui les tiendraient par la main ; on les sentait proches et toutes voisines. Le passé se mêlait étrangement au présent ; tant de grâce et de folie avaient habité ce décor, qu’on croyait en sentir encore les effluves. Les flâneurs allaient retrouver leur gondole tapie dans l’ombre des canaux, et, dans le noir, tournoyaient autour des barques illuminées sur le grand canal, d’où partaient les trilles des chanteuses et les voix menues des mandolines. Le reflet des lanternes dansait sur les eaux sombres ; dans le ciel jaillissaient des feux d’artifice. Tout cela était si doux, et comme si naturel, que rien ne réussissait, quoi qu’on fit, à devenir banal. Le programme de la fête était toujours le même, et semblait toujours nouveau. C’était comme une ile de féerie, réservée, au milieu de notre civilisation trépidante, à la volupté et au souvenir.


AU CONGRÈS DES POPULAIRES

Le congrès des Populaires se tient à Venise. La cohue commence dès la gare ; la voûte résonne des refrains du parti, lancés à pleins poumons par de vigoureux gaillards. La place Saint-Marc est envahie, envahis les petits cafés paisibles où l’on croyait retrouver naguère les personnages de Goldoni. Beaucoup de prêtres ; des curés de campagne, rebondis et fleuris ; des méridionaux qui gesticulent, secs et agiles ; des monsignori au verbe haut, au geste autoritaire. Où sont les abbés galants d’autrefois ? Ceux-ci sont les officiers de troupes victorieuses, qui continuent, par prudence et en vue des prochains combats, à encadrer solidement leurs hommes. Quelle exubérance ! Quelle ardeur ! Venise n’a pas de salle suffisamment grande pour contenir tous ces congressistes à la fois. Les sections se réuniront dans les lieux les plus inattendus : le Cinéma Modernissimo ; l’hÖtel Bauer, qui vit plus d’un joyeux carnaval