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Don Sturzo le domine aussi : il est le dictateur. Je sais bien qu’il s’afflige quand on l’appelle de ce nom, et qu’il proteste ; il ne veut être qu’une unité parmi beaucoup d’autres ; il demande expressément que ses amis n’adoptent pas la définition de ses ennemis, à savoir que le parti populaire est celui d’un seul homme. Accordons-lui cette satisfaction, pour qu’aucune ne lui soit refusée ; et disons qu’il est un simple soldat, comme Napoléon était le petit caporal.

La première fois que je l’ai vu, c’était dans le hall d’un hôtel, entouré d’un état-major de fidèles ; je ne sais plus ce qu’il organisait, mais il organisait sûrement quelque chose. Autre décor favori : un wagon de chemin de fer ; il va de Naples à Milan comme vous allez de Paris à Versailles ; il vole à Berlin, parle avec vingt députés, assiste à une séance du Reichstag, visite des œuvres, inaugure une école italienne en quelques jours ; puis il se hâte de rentrer à Rome, pour dire son mot au président du Conseil. Partout où il faut donner une impulsion, on le rencontre. Aujourd’hui, c’est son apothéose. La reconnaissance qu’on éprouve pour son œuvre se traduit en admiration frénétique. Son âme de Latin ne peut pas ne pas tressaillir, devant cette foule qui s’émeut pour sa gloire ; son âme d’apôtre ne peut pas ne pas se sentir heureuse, s’il rapporte au Maître qu’il sert la moisson de ce jour. On l’applaudit, on l’applaudit encore ; il salue, il s’incline ému jusqu’aux larmes ; et comme ni les bravos ni les cris ne suffisent à exprimer les sentiments du public qui l’acclame, on lui jette des fleurs par poignées, de sorte qu’une neige d’œillets blancs s’abat sur sa soutane noire.


MEDA. — Une autre force du parti populaire ; une des forces de l’Italie.

Le corps est épais, l’allure pesante ; on reconnaît le sédentaire, qui ne se trouve nulle part mieux que dans un cabinet de travail, chargé de livres, bourré de dossiers. Si vous ignoriez qu’il s’agit d’un Italien, vous penseriez, en le voyant, à quelque Flamand flegmatique. Aucune exubérance et pas de gestes. La modestie, la simplicité même. Essayez d’aborder, en France, un homme qui détient une parcelle de l’autorité : il est rare qu’il ne vous fasse pas sentir son importance, ne fût-cc que par des nuances fugitives. En Italie, où la vanité du rang social n’est guère de mise, où l’étiquette est un supplice, on n’a pas à traverser