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appréhension s’est vite calmée ; j’ai eu bientôt le sentiment que la vie nationale reprenait peu à peu son rythme régulier, après des secousses qui auraient brisé peut-être des organismes moins résistants. Il faut que j’enregistre à présent de nouvelles acquisitions.

La guerre a bouleversé la vie économique du pays. Elle a brusquement arrêté les progrès matériels d’une nation qui suivait des chemins prospères. Mais c’est un arrêt provisoire. Rien d’essentiel n’est lésé ; l’Italie reprendra sa route dès que l’Europe sera elle-même pacifiée.

La guerre a substitué, à une carte politique assez confuse, des plans très nets. Elle a supprimé, ou peu s’en faut, le parti républicain. Interventistes de la première heure, les républicains se sont ralliés à la monarchie, mettant le salut de la patrie au-dessus de leurs dogmes politiques. Ce premier sacrifice a été suivi du sacrifice de leur vie, car ils n’ont pas cessé de combattre parmi les plus vaillants, depuis l’Argonne. Pour ces deux raisons, toutes deux à leur honneur, le parti s’est affaibli jusqu’à l’épuisement, et ses possessions ne sont plus guère que des îlots épars.

Le parti nationaliste compte toujours ; non par le nombre, puisqu’il avait exclu coup sur coup les démocrates, et les libéraux eux-mêmes ; mais par la qualité de ses représentants et par la force de sa doctrine.

Il a servi de levain à la conscience italienne ; il y a en Italie plus de nationalisme que de nationalistes. Seulement, un concurrent redoutable s’est révélé : le fascisme. Le programme intérieur diffère, le programme extérieur se ressemble. Si bien que le parti nationaliste, qui ressemblait déjà à un état-major sans troupes, voit un général ami et allié lui enlever ses possibilités de recrutement.

Restent trois grandes forces : le parti socialiste actuellement en déclin ; le parti populaire, actuellement en progrès ; entre les deux, les partis libéraux en désarroi, dont le fascisme s’emparera peut-être ; le fascisme, qui a cessé d’être une force de sauvegarde, qui est devenu dans l’Etat une puissance dont l’Etat n’est plus maître, qui veut devenir un parti politique sans renoncer aux méthodes de violence, et qui est en pleine crise de transformation.

Les positions sont aussi nettes que possible ; point d’ambiguïté.