Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 11.djvu/691

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le loyalisme britannique au Canada. Ce fut bien plus clair encore lorsque les Etats-Unis, avec quelque intempérance juvénile, s’avisèrent de chercher chicane aux commerçants et aux navires d’Angleterre ; le Canada vit là des raisons nouvelles de resserrer son entente avec Londres. Quand le conflit dégénéra en guerre (1812-1814), les Canadiens français marchèrent délibérément avec les Anglais ; il n’est pas douteux que l’Angleterre a dû à leur connaissance du pays, autant qu’à leur bravoure légendaire, la victoire décisive de Chateauguay, et l’accès désormais facile de Washington même. Au reste, personne ne voulait pousser à fond cette rencontre d’essai ; malgré ses succès militaires incontestables, le Gouvernement de Londres se montra plus que facile dans la négociation de la paix de Gand (1814) ; il ne réclama pas une correction des frontières, malgré des avis venus du Canada, et laissa le domaine américain pointer entre ses provinces maritimes de la Nouvelle-Ecosse et les deux Canadas da Saint-Laurent.

Les années qui suivent, jusqu’en 1840, sont une période d’agitation, tout au moins politique, pour le Canada. La métropole s’est enhardie, après la défaite de Napoléon Ier, au point de s’écarter des principes libéraux qui ont dominé sa politique coloniale pendant les moments de crise. En Canada, un Conseil exécutif, nommé par la Couronne, prétend accaparer tous les pouvoirs ; des discussions violentes s’engagent, autour des verdicts arbitraires d’un haut magistrat, le juge en chef Sewell. Au fond, les Canadiens français de Québec sont bien d’accord avec les Britanniques de Toronto, pour dénoncer les empiètements de l’autorité centrale ; ils songent à une « Union » qui les affirmerait, les uns et les autres, en face des ministres indiscrets de Londres. Cependant les Français hésitent, ils observent que l’Ontario se peuple rapidement, par immigration, surtout d’Ecossais, — colons splendides, — alors qu’eux-mêmes n’ont à compter que sur leur natalité ; la prudence ne serait-elle pas de rester à l’écart, quitte à faire payer la tranquillité du Bas-Canada par quelques concessions, quelques changements de personnes ? Mal informés, les bureaux de Londres s’enfoncent dans leurs erreurs ; en 1837, des émeutes agitent presque en même temps Toronto et Montréal ; quelques-uns réclament l’annexion aux Etats-Unis ; un bateau américain chargé d’armes est saisi par les Anglais sur les lacs. Sera-ce la